Une enquête d'Anna Kronberg et Sherlock Holmes, tome 3 : La dernière expérience

— Nous allons traverser d’un air dégagé, déclara-t-il en s’éloignant d’un pas nonchalant.
Je le suivis à quelques yards de distance, les mains dans les poches, la démarche orgueilleuse, les genoux légèrement tournés vers l’extérieur comme si j’étais dotée de testicules volumineux. Holmes me rattrapa à un coin de rue sombre.
— Vous en faites trop.
— Pas du tout. Je ressemble exactement à un jeune homme qui cherche à impressionner une jolie femme.
— Il n’y en a aucune dans la rue pour le moment. Même le balayeur unijambiste ne pourrait pas être confondu avec une représentante de la gent féminine.
— Je cherchais peut-être à m’impressionner moi-même, rétorquai-je avant de continuer mon chemin.

— [...]Comment avez-vous maîtrisé M. Holmes ?
[...]
— Je l’ai embrassé.

— J'aimerais vous poser une question un peu... délicate, déclara-t-il.
Il prit mon silence pour une invitation à poursuivre.
— Avez-vous déjà eu des relations intimes avec Sherlock Holmes ?
— Je ne pense pas que Holmes partage son intimité avec qui que ce soit, rétorquais-je, espérant qu'il n'entendrait dans ma voix que la contrariété et la fierté bafouée d'une femme éconduite.
— Quel imbécile ! dit-il en caressant la cicatrice qui barrait mon ventre.

- Comment avez-vous maitrisé M. Holmes ?
Ma gorge se serra. Qu'allais-je bien pouvoir raconter ? C'était une longue histoire et je n'avais pas l'intention de dire toute la vérité.
- Je l'ai embrassé.
Il écarquilla les yeux et rejeta la tête en arrière, laissant échapper un rire bref.

Avec le gaz lacrymogène et les nouveaux équipements qui permettaient de lancer des grenades, la guerre biologique n'était au fond qu'une petite marche supplémentaire à gravir. La seule question était de savoir qui serait le premier à plonger la main dans ce dangereux bouillon d'agents pathogènes.

La seule chose qui m'appartenait vraiment en ces lieux, c'était moi. On m'avait même privée de mes effets personnels. J'étais convaincue que c'était délibéré. Mais pour quel motif ? Afin de me priver de tout sentiment d'autonomie ?

Quand il poussa sur ses bras, je resserrai mes jambes autour de sa taille et nouai mes chevilles dans son dos, curieuse de sa réaction. Après la surprise initiale, il sourit en roulant sur le côté, toujours captif.

Tandis que les doigts effilés parcouraient l'intérieur de ma cuisse, effleuraient la jarretière pour s'arrêter à un pouce de l'endroit qui était devenu plus chaud que d'habitude, je sentis que je pouvais m'abandonner.

Comme il est curieux qu’on puisse supporter autant d’épreuves quand on n’a pas le choix. Une fois en sécurité pourtant, lorsque les difficultés sont derrière nous, la réalité se manifeste et charrie toute la douleur, la culpabilité et la honte. On ne peut que se demander avec stupéfaction : comment ai-je survécu à tout cela ? Mais peut-être n’ai-je pas survécu, après tout, peut-être est-ce un autre moi qui va émerger du trou noir dans lequel je suis tombé ?

Marcher sur le fil du rasoir engendrait une ivresse dans toutes les fibres de mon être, mais je devais veiller à ne pas me couper.