AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de Tachan


Tachan
21 septembre 2023
Roman décrit comme le plus proche de celui que préféré l'autrice, Eté ne pouvait que m'intriguer moi qui ai un avis assez ambivalent sur les écrits d'Edith Wharton. Alors va-t-il pencher du bon ou du mauvais côté ?

Eté a clairement penché du bon côté et ce pourtant malgré une fin un peu trop abrupte et cruelle, et surtout une héroïne fort agaçante, ça tombe bien, elle est sensée être le pendant d'Emma Bovary, mais l'autrice y a mis trop de bonnes choses pour que je n'y succombe pas.

Tout a commencé avec la beauté de la plume d'Edith Wharton qui m'a à nouveau totalement embarquée avec la finesse et la poésie de ses descriptions de cette vie à la campagne dans le petit village pittoresque de North Dormer, dont le nom évoque le sommeil ronronnant, un peu comme ses habitants d'un autre temps. L'autrice offre également des lignes de toute beauté décrivant ce lieu sous le soleil et la douceur estivale, donnant son titre à l'oeuvre. La nature y est magnifique, vivante, chaude, remplie d'insectes et de fleure et avec un météo lourde d'orage et de pluie à venir comme la destinée de son héroïne. C'est magnifique.

Et pourtant, malgré ce décor enchanteur, j'ai eu du mal à réellement entrer dans l'histoire. Il faut dire qu'elle est un peu le versant sombre d'une Emma de Jane Austen, avec une jeune femme pour qui le mariage est en train de devenir une question centrale dans sa vie. Cependant à l'inverse de sa consoeur anglaise, c'est une réalité plus âpre et sans happy end que nous raconte Edith Wharton. Nous sommes plus près d'un Thomas Hardy ici avec les drames que son héroïne va connaître de bout en bout. Les amateurs d'ambiances dures et réalistes seront ravis, ceux aimant les choses plus douces comme moi, souffriront pas mal, mais avec beauté !

Même si j'ai eu du mal avec cette héroïne à qui il n'arrivait que des malheurs, j'ai trouvé la plume de l'autrice très pertinente et percutante. Elle nous relate le destin d'une jeune fille née d'une mère célibataire, d'un père inconnu, dans un endroit sordide appelé « La Montagne », recueillie par une bonne âme et qui à la fin de l'adolescence, alors qu'elle cherche à s'émanciper, va se retrouver face à des choix qui vont en quelque sorte la remettre à sa place de femme, ce qui est terrible. J'ai détesté, je crois, tous les rôles masculins de cette histoire. Ça commence avec le premier employeur de Charity, ça continue avec son père adoptif et ça s'achève avec le beau Harney qui la charme pour mieux trahir ses attentes. Chacun ne voit en elle qu'une femme : à conquérir, à séduire, à épouser et qu'importe ses désirs. C'est rude !

C'est rude mais aussi malaisant. On suit une jeune fille qui vient quasiment du caniveau et dont les hommes vont presque tout – je vous laisse la surprise finale – tenter de profiter, l'un en abusant de sa position et en étant bien plus âgé, l'autre en jouant de son charme et le dernier de sa détresse. Ça fait mal pour elle, mais c'est du coup un violent plaidoyer contre la réalité du mariage et des relations hommes – femmes bien piégeuses à l'époque dans ces sociétés. Bravo à Edith Wharton de l'avoir aussi bien rendu au point de me rendre cela très malaisant et révoltant à lire.

L'autrice a vraiment fait preuve d'une belle finesse avec la jeune Charity et cela se confirme également dans cet éveil des sens et des sentiments auquel on assiste sous sa plume. C'est charmant de voir avec quelle pudeur l'autrice parvient toutefois à relater ce premier amour et les désirs charnels qui l'accompagnent. On a quelque chose d'assez moderne ici avec ce récit d'une aventure amoureuse qui aurait très bien pu prendre place plusieurs décennies plus tard puisque l'autrice relate rendez-vous cachés où on se retrouve dans une ville voisine, où on va au cinéma, puis à un spectacle nocturne et où on se retrouve dans un lieu secret. C'est très novateur pour l'époque.

Eté fut une sacrée expérience de lecture où comment apprécier un tel moment sans apprécier l'héroïne qu'on suit dont la naïveté et les malheurs exaspèrent et révoltent un peu à la longue. Je préfère encore et toujours les histoires courtes de Kerfol à celles plus longues comme celle-ci ou le temps de l'innocence, mais je reconnais à l'autrice une force rare pour oser parler de sujets douloureux et critiquer la société dont elle est contemporaine. Ici son portrait de l'été amoureux et marital de l'héroïne fait mal mais la critique de cette masculinité toxique est nécessaire.
Lien : https://lesblablasdetachan.w..
Commenter  J’apprécie          60



Ont apprécié cette critique (6)voir plus




{* *}