Les Editions Gallmeister nous avaient jusque là habitué à des très bons romans ayant pour cadre les grands espaces américains comme Sukwann Island de
David Vann, ou encore les très bons polars de
Craig Johnson. Changement de décor, avec
Pike, de
Benjamin Whitmer, elles nous offrent un remarquable polar urbain où l'on patauge dans la neige noire au milieu de gaz d'échappement… Une couverture noire, pour un vrai roman noir, très noir !
Dans une ancienne vie, Douglas
Pike a été tour à tour homme de main pour la mafia locale, toxicomane, videur de boîte de nuit, alcoolique ou encore passeur de clandestins à la frontière mexicaine. Aujourd'hui, il répare des maisons dans un coin reculé des Appalaches accompagné de Rory, un jeune homme à peine sorti de l'enfance et qui rêve de devenir boxeur professionnel. Tous les deux sont poursuivis par un passé qu'ils tentent d'oublier mais qui va brutalement les rattraper de la plus inattendue des façons. Lorsque Sarah la fille de
Pike est retrouvée morte des suites d'une overdose, ce dernier se retrouve responsable de Wendy, une fillette de douze ans, dont il ignorait l'existence.
Pike a oublié pendant de longues années sa fille mais il n'accepte pas son décès. La thèse de l'overdose lui semblant plus que suspecte, il décide de se rendre à Cincinnati. Accompagné de son acolyte, il va écumer les bas-fonds de cette ville, de bars glauques en squats de junkie et lieux de prostitution, à la recherche d'une réponse. Quand Derrick Krieger, flic violent et pourri jusqu'à la moelle commence à tourner autour de Wendy, les vieux démons se réveillent.
Ce premier roman est une redoutable excursion dans les entrailles de l'Amérique urbaine des années Reagan dans ce qu'elle a de plus violent et sordide. Pas un personnage ne rachète l'autre. Un ramassis de brutes alcooliques, de pervers violents, d'êtres corrompus ou estropiés. Ils ont en commun une incapacité chronique à éprouver le moindre regret ou sentiment. La notion de rédemption, d'amour ou de pardon leur est étrangère. Accablés par une multitude de démons, survivre d'un jour à l'autre est leur unique préoccupation. Ce premier roman dont chaque mot suinte la noirceur et la violence sans complaisance, est construit avec intelligence, mêlant habilement lyrisme et réalisme. Une très sombre et tragique histoire qui se dévore en quelques jours et qui ne laisse pas intact. Elle semble annoncer un grand auteur. A suivre.