- Tu… vous êtes une fille! s'exclama-t-il, abasourdi mais souriant.
- Ne dites rien à mon père.
- Mon Dieu, il ne le sait pas?
Deux semaines seulement s'étaient écoulées depuis la Saint-Michel mais, déjà, les nuits d'octobre étaient glaciales. Toutefois, les journées demeuraient anormalement chaudes pour la saison et les gelées matinales ne résistaient pas longtemps à l'ardeur du soleil. La sécheresse sévissait et la lande avait pris la couleur des fougères mortes, un gris brunâtre. Il avait à peine plu durant l'été et pas une goutte de pluie n'était tombée au cours de l'automne. La moisson en avait souffert, le gibier était rare et la famine menaçait de sévir cet hiver. De nombreux pillages étaient à redouter.
Ils étaient monnaie courante dans ces régions, et ce quelle que soit l'abondance des récoltes. Après trois siècles de guerres perpétuelles entre l'Angleterre et l'Ecosse, ces attaques de pillards faisaient maintenant partie intégrante de leur vie. Jadis question de survie, elles constituaient aujourd'hui une habitude. La nuit, des clans franchissaient les collines escarpées, et traversaient les plaines marécageuses pour piller puis brûler les maisons. Bien entendu, ils repartaient avec le bétail, principalement des moutons et des chevaux. Le jour, ils se rencontraient dans les tavernes de Carlisle pour se défier aux cartes, aux dés ou aux courses de Langholm où les paris allaient bon train. Ainsi l'histoire avait-elle lentement légalisé, banalisé la guerre, le vol et le meurtre entre les deux pays.