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""Ce qui frappe le plus dans ce livre une fois qu'on l'a reposé avec l'envie de le recommencer, mais dans le désordre, c'est une forme d'indécision dans la trame et les personnages. Ce n'est pas exactement de l'indécision, mais ce que les éléments peuvent imposer de détours et d'improvisations au vol d'un oiseau qui finira pourtant par se poser là où il avait la vague impulsion de le faire au moment où il a pris son envol. Et ce que le récit a d'erratique, de fragmenté parfois, épouse parfaitement le propos du roman, qui est d'accompagner cette chimère bien réelle qu'est un hermaphrodite dans son évolution tâtonnante. (…)
L'enfant naît en 1968 au Labrador, d'un père trappeur, Treadway, trappeur de père en fils, et d'une femme, Jacinta, qui a grandi à Saint-Jean-de-Terre-Neuve, la plus grande ville de cette région septentrionale du Canada. La voisine qui l'aide à accoucher dans sa baignoire en compagnie de deux autres amies s'appelle Thomasina. Elle est la première à s'apercevoir que le bébé est doublement déterminé. Pendant quelques jours, les deux femmes ne savent trop que faire de cette nouvelle, et elles n'en parlent pas à Treadway. Jacinta préfèrerait laisser les choses aller leur cours. Mais Treadway, sans qu'on lui dise rien, devine que son enfant a une double nature. C'est lui qui décide que ce sera un garçon et qu'il s'appellera Wayne. Alors commence le long parcours opaque fait de chirurgie, de traitements hormonaux lourds et de non-dits, d'un petit garçon qui renferme, chirurgicalement occultée, une petite fille. À l'adolescence, la partie enfouie de Wayne se manifeste par une indétermination qui met son père sur des charbons ardents, par une amitié féminine au lieu de la sociabilité masculine de rigueur, mais pas seulement. Treadway, la personne la plus positiviste du récit, et qui l'est jusqu'à l'aveuglement, ne peut rien contre le formidable entêtement biologique de la vie, qui ne cesse de contredire l'éducation opiniâtre qu'il impose, avec amour, à ce fils qui est, qu'il le veuille ou non, son fils-fille. (...)
Ce roman est remarquable à bien des égards. D'abord, comme la vie même, il se contente d'entreposer en désordre des faits et des liens de causalité plus ou moins décousus. Il nous abandonne à certains moments paroxystiques, faisant confiance à notre imagination pour reconstituer les scènes absentes. (…) Comme une ligne de trappe, comme une existence, la progression du récit peut être masquée par la neige, détournée par une rivière, arrêtée par un éboulis, modifiée et contournée. Chacun des trois personnages principaux, Wayne-Annabel, Thomasina et Treadway, suit son propre chemin, sans jamais s'éloigner des autres, qui forment une composante essentielle de son propre paysage. Thomasina joue le rôle d'un phare, Wayne-Annabel apprend à vivre dans un monde sans merci. Paradoxalement, c'est son père trappeur qui lui donnera les outils de son indépendance, tandis que Thomasina sera, d'une certaine façon, son guide. Treadway, lui aussi, apprend à vivre. Cet homme qui passe sa vie à tuer et construire, en symbiose totale avec son milieu, quand il ne sait à qui se vouer, demande conseil aux rapaces. Mais surtout, il écoute leur avis. (…)
Si bien qu'au bout du compte, nous aussi pouvons élargir ce dilemme absurde à toutes les formes d'identités qui en nous ont besoin, pour accéder à l'existence, d'en éliminer une autre. Wayne-Annabel n'est pas un homme, ni une femme. le fait d'être à la fois l'un et l'autre fait de lui une créature composite qui n'est pas l'addition de deux identités, mais une autre identité. Et comme Thomasina, la lectrice-lecteur « … voit dans la différence de l'enfant une grâce étrange qu'il faut protéger. Un atout fragile, peut-être même un pouvoir. »"
Lonnie dans Double Marge (Extrait)
Lien : https://doublemarge.com/anna..
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« Lorsque l'enfant parait, le cercle de famille applaudit à grands cris », nous a clamé Victor Hugo.
Mais ici, lorsque le bébé de Jacinta et de Treadway nait, il y a comme une gêne. Oh, bien sûr, personne n'en saura rien, à part Thomasina, la sage voisine qui a accouché la jeune mère. C'est elle qui « se plaçant comme un arc bienveillant » au –dessus de Jacinta, lui révélera l'anomalie.
Mettons tout de suite un mot sur cette anomalie : il s'agit de l'hermaphrodisme.

Si Jacinta accepte cela, son mari par contre est bloqué. Non, il ne faut pas que le reste de la communauté « sache », non, l'enfant ne doit pas côtoyer les autres muni de ses 2 sexes. Quelle honte, quelle infamie ! Et pourtant, Treadway est foncièrement gentil, mais il a peur. Lui qui sillonne plusieurs mois par an ses lignes de trappe, - nous sommes au Labrador, et les grands espaces sont le domaine des hommes pendant que les femmes restent seules à la maison - , il est incapable de communiquer ce qu'il ressent. Mais une chose est sûre pour lui : ce bébé doit avoir l'apparence d'un garçon. Et c'est parti pour l'opération, les pilules...

Nous suivons pas à pas l'évolution du bambin qui se révélera très sensible, très ouvert au monde et à l'art. Attentive et aimante, Jacinta fait preuve d'une grande psychologie envers son enfant.
Thomasina veille...
C'est à l'adolescence que la paix relative se brisera et provoquera une onde de choc.

Ce roman très pur, plein de lumière et de silence, de musique et de beauté, raconte le heurt entre la vie rêvée et la réalité. Chacun, à sa manière, doit faire front. Et c'est difficile, très difficile. La deuxième moitié du roman est d'ailleurs beaucoup plus dure et sombre souvent dans la noirceur.

Ce roman nuancé et subtil raconte l'intime face à une société conservatrice et millénaire.
Il raconte la difficulté d'être, pour tous.
Il raconte les joies, les peurs et les rêves d'un jeune tiraillé entre ses deux facettes.
Finalement, il atteint l'universel.
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'C'est l'histoire d'un enfant qui , en 1968, au sein d'un bourg côtier du Labrador, au Canada , naît , ni garçon ni fille : Hermaphrodite.......seuls ses parents , et Thomasina, une voisine très proche sont au courant .
On décide de faire opérer l'enfant : ce sera Wayne-----le choix du père-----
C'est un livre fin , rare,qui prend un relief particulier dans ces contrées ancrées dans la nature sauvage, froide et inhospitalière du Labrador avec ses coutumes et ses rituels, ce qui confère encore plus de mystère .........
L'auteur nous fait partager , sans pathos , avec une tendresse et une grâce sans pareils, tout au long, avec dignité , émotion et doigté , l'évolution de Wayne, le rapport qu'il entretient avec son corps, ses souffrances , ses doutes, ses espérances, ses choix à l'adolescence, il n'a personne à qui se confier ........entre un père incapable de communiquer, taciturne, qui chérit la nature sauvage , qui se fond presque en elle et une mère aimante , à l'écoute , qui perdra parfois ses repères et l'énergie qui était la sienne .......

On sent le vertige , le trouble intérieur d'un corps qui ignore sa différence et la découvre peu à peu ......., la détresse et la tristesse de Wayne ........
Ce que j'ai surtout apprécié c'est la façon dont l'auteur décrit sans juger, sans nous imposer quelque message que ce soit ni sa propre vision ........
Le style poétique est imagé .L'écriture délicate , intimiste, précieuse nous fait découvrir la force du corps sur le psychisme .
La pudeur dont l'auteur use pour décrire son personnage est remarquable .
C'est une oeuvre totalement originale , un texte hors du commun, élégant et sensible qui nous invite à la réflexion et à la tolérance, à sortir de notre méfiance et de nos préjugés , à propos de la perception de la "Différence ".
Une oeuvre pétrie de lumière qui conte les désillusions, les peurs et les doutes d'un jeune homme très courageux tiraillé par sa double identité !
Je remercie l'amie de Babelio ( elle se reconnaîtra ) qui m'a incitée à acheter ce livre rare , à part .
Un ouvrage à relire , qui restera longtemps dans nos mémoires !
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Sa naissance a lieu dans la région du Labrador au Canada, en mars 1968. Jacinta, sa mère, met au monde l'enfant dans sa baignoire, assistée de sa meilleure amie, Thomasina. Lorsque cette dernière la libère, elle constate que le nouveau-né est hermaphrodite.
Son père, Treadway, décide qu'il sera un garçon et qu'il s'appellera Wayne. Sa mère nommera l'enfant, ma fille, dans l'intimité, et Thomasina, Annabel, du nom sa fille décédée auparavant.
Kathleen Winter raconte l'histoire de cette personne avec une intelligence rare, une vérité naturelle, une simplicité qui enlève tout envie de contester ou d'être scandalisé, qui annihile toute répulsion. Il n'est pas question de sensationnalisme, ni d'en faire un drame. Non, le drame c'est plutôt les autres.
C'est l'histoire d'un enfermement, celui d'une fille prisonnière du corps de garçon que lui ont façonné la science des traitements hormonaux et d'un père, ancré dans sa lutte pour la survivance au milieu d'un monde hostile, à la logique darwinienne. Dans ce monde-là, la troisième possibilité est obligée de se frayer un chemin sous couvert d'anonymat, silencieusement. La dualité des identités est consentie, acceptée. Il y a connivence entre Annabel et Wayne. La fille et le garçon coexistent et apprennent à se découvrir au fil des années.
Thomasina décrit parfaitement cette troisième possibilité :
« Je n'appellerais pas ça une maladie. J'appellerais ça une différence. Une différence signifie une tout autre manière d'être. Ça pourrait être fantastique. Ça pourrait être d'une incroyable beauté si les gens n'avaient pas si peur. »
« Annabel » de Kathleen Winter fait partie des rencontres heureuses que l'on peut faire en tant que lecteur. Il enrichit un débat qui n'a jamais autant été présent dans notre société, celui des identités et du caractère schizophrénique de chaque individu.
Un roman que je recommande vivement.
Traduction de Claudine Vivier.
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Roman sur la quête d'identité, telle qu'elle soit, sur la quête de liberté individuelle, sur la quête du soi-même, sur l'acceptation.
Wayne est au centre de l'histoire mais n'est pas, selon moi, le personnage principal unique : autour de lui gravitent Wally, Thomasina, Treadway.
Au final, ce roman est la construction intérieure de chaque personnage, que ce soit individuellement ou les uns envers les autres. Chaque être évolue au fil du temps. Chacun en quête de sa propre vérité, de sa liverté et surtout de sa sérennité.
J'ai beaucoup aimé l'écriture de Kathleen Winter. J'y ai retrouvé un style apaisant qui m'a fait penser à Tracy Chevalier.
En revanche, la couverture de cette édition ne m'a pas parlé, elle m'a même limite dérangé, perturbé. Face à cette couverture, j'ai ressenti un certain malaise qui ne représente absolument pas ce roman et le sentiment que dégage cette histoire. J'aurai plutôt misé sur un paysage du Labrador avec des silhouettes au loin...
Donc, après avoir passé le cap de cette couverture, j'avoue avoir fait une très belle découverte littéraire que je conseille fortement.
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Ce roman parle d'identité, de différences, de tolérance, de notre capacité à regarder et accepter les autres, tels qu'ils sont et non pas tels qu'on souhaiterait qu'ils soient. Ce roman parle d'hommes et de femmes de tous les jours qui nous ressemblent un peu. Avec ces peurs, ces faiblesses, ces failles mais aussi cet amour qui parfois peut rendre plus fort.
Kathleen Winter nous raconte l'histoire, fin des années soixante, dans un petit village canadien, d'un enfant né différent : un hermaphrodite. le père prendra la décision de l'opérer et que ce soit un garçon ; un choix que sa mère aurait préféré autre.
Ses parents, pour le protéger du regard des autres, de leur jugement, garderont pendant des années cette différence secrète et, même entre eux, ils n'en reparleront plus pendant longtemps, jusqu'à ce que la nature les rattrape.
On voit ce petit garçon grandir, évoluer, découvrir le monde. En même temps que ses phases d'apprentissage, émergent son caractère, son intelligence, sa sensibilité, ses questionnements, sa propre personnalité et identité.
On aime rapidement cet enfant et, comme ses parents, nous aussi, on veut le protéger des autres. Et on se demande, forcément, ce que nous aurions ressenti, ce que nous aurions fait, comment on se serait comportés ?
Ce roman parle de rencontres, celles qui nous portent, celles qui blessent. de moments de la vie quotidienne, ceux qui marquent, ceux si significatifs de ce qu'on est ou de ce qu'on sera. Ce roman parle de la nature, telle qu'elle est, à la fois rude, sauvage, glaciale mais aussi tellement belle et lumineuse.
C'est fait de solitude aussi, de silence, de mots simples, comme la vie, avec toutes ces joies et ces peines.
C'est un roman plein de justesse, de finesse, de poésie et de beauté. Un roman sur la vie, sur nos vies, avec ces moments douloureux, et ces autres magiques où le coeur palpite. de ces jugements qu'on s'est fait au début du roman sur certains de ces personnages et qu'on découvre peu à peu, au fil des pages, plus complexes et tout autre. Des personnages d'une réelle profondeur, certains qu'on a plaisir à retrouver, d'autres qui nous bouleversent. Une amie, une voisine, un père...
Sans aucun larmoiement, sans aucun voyeurisme, c'est un roman touchant, empli d'émotions et qui ne laisse pas indifférent, tout au contraire.
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Titre : Annabel
Auteur : Kathleen Winter
Année : 2014
Editeur : Christian Bourgois Editeur
Résumé : En 1968 sur les côtes du Labrador, un enfant naît. Il se nomme Wayne et il est hermaphrodite. Ses parents, Jacinta et Treadway, décident de garder le silence sur cette particularité et vont élever Wayne comme un garçon.
Mon humble avis : Parfois, il semble que des auteurs soient touchés par la grâce. Parfois, certains textes sont si beaux qu'on a du mal à s'en défaire. Parfois, on aimerait avoir le talent, la persuasion nécessaire, pour inciter son entourage et ses fidèles lecteurs à se jeter sur un bouquin. Tout cela est bien rare, mais c'est indéniablement le cas avec Annabel de Kathleen Winter, un livre rare, puissant, délicat et d'une force incroyable. Il m'est difficile de parler de ce roman sans tomber dans les superlatifs, difficile de décrire à quel point certains personnages – notamment le père Steadway – m'ont ému, touché, pour ne pas dire bouleversé. Outre ses qualités littéraires évidentes – précision du style, superbes descriptions – le texte de Winter touche au coeur sans jamais versé dans le pathos. Sans artifices, avec pudeur, l'écrivaine Anglo-Canadienne réussit parfaitement à allier un souffle rare, une poésie et une finesse hors-normes. Avec Annabel, Winter nous parle de la différence, elle nous parle aussi de tolérance, d'espoirs déçus mais avant tout, elle plonge sa plume dans l'humain, jusqu'aux tréfonds de l'âme humaine. C'est extrêmement brillant, d'une délicatesse incroyable et rempli de lumière. A travers le récit d'un destin, pas si tourmenté que ça finalement – l'une des qualités de ce roman est de ne jamais versé dans l'excès – Winter nous raconte la difficulté de vivre tout simplement, les tiraillements intérieurs liés à l'hermaphrodisme, les espoirs déçus et le courage face à l'adversité. Vous trouvez que j'en fais trop ? Lisez-le et comme moi, j'en suis presque sûr, vous garderez longtemps en mémoire les paysages du Labrador, la profondeur des sentiments évoqués et des personnages incarnés avec un talent de dingue. Avec Annabel, Kathleen Winter touche au sublime et c'est tellement rare qu'on ne peut que s'incliner devant un tel talent.
J'achète ? : Ai-je vraiment besoin de rajouter quelque chose ? Ce serait vraiment dommage de passer à côté de ce grand roman.
Lien : https://francksbooks.wordpre..
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Jacinta et Treadway Blake vivent dans un village perdu du Canada. Lui est trappeur et passe la moitié de l'année à trapper pour ramener viandes et fourrures qui leur permettront de passer l'hiver. En 1949, Jacintha accouche d'un premier enfant qui nait hermaphrodite. le chirurgien de la ville explique à Jacintha qu'une opération règlera le problème. L'enfant sera baptisé sous le nom de Wayne et élevé comme un garçon. Il n'y a que Thomasina, une voisine et amie de la famille qui vient de perdre mari et fille dans un accident de pêche, présente à l'accouchement, qui le surnommera Annabel, du nom de sa petite fille disparue.
Mais Wayne grandit, et sa part féminine resurgit.


Je n'ai pas été convaincue par Annabel. Les choix de l'auteur concernant le passage du temps m'ont paru maladroits (100 pages pour la naissance, puis l'enfant à 5 ans, et l'on ne sait rien de ce qu'il s'y est passé). Or, la construction de l'identité, sexuelle ou non, se fait, à mon avis, au jour le jour.
Le livre est écrit sur un registre factuel et descriptif, presque journalistique. Racontée au présent de l'indicatif, il manque de sentiment et d'émotion. Enfin et surtout, je n'ai pas compris l'objectif de l'auteur : il me semble que n'importe quel enfant, dans cet environnement géographique et familial, aurait connu des difficultés pour se construire : une situation isolée, une mère dépressive qui n'arrive pas à faire le deuil de sa fille, un père absent dont la rare présence se limite à faire correspondre son enfant aux canons de la virilité... On sait tous aujourd'hui la portée destructrice du secret de famille, surtout lorsque ce qui est caché a trait au mystère de la naissance de l'enfant.
Peut-être l'idée de K. Winter était d'arriver à montrer que "l'hermaphrodite" est un être humain comme les autres. Moi, je n'en doutais pas, alors 600 pages sur le sujet, c'est long, et j'en viens à me dire que d'autres personnages auraient peut-être plus mérité de porter le livre : Thomasina par exemple, une femme pas comme les autres, ou Wallie, la petit compagne aux cordes vocales lacérées qui rêvait de chanter.
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Annabel est très différent de Middlesex dont il reprend le thème, l'hermaphrodisme. Très loin de la flamboyance amusée et ironique de Middlesex, où la malformation génétique de Calliope alias Cal se raconte comme un mythe grec qui se serait quelque peu "drag queenisé" au contact du Nouveau Monde, et qui passe en revue les grandes dates de l'histoire américaine et de la diaspora grecque et arménienne...

Annabel est un livre du grand Nord, ancré dans la nature sauvage et peu hospitalière du Labrador. Un livre secret, apparemment simple comme le bouquet de fleurs du Labrador offert à Wally par Wayne à la fin du livre.

Un bouquet fait de" feuilles de thé au dessous orangé" et aux "ombelles blanches" qui , une fois cassées, dégagent un parfum violent et capiteux, mêlé à" la pourpre asymétrique du rhododendron sauvage", aux " droséras et sarracénies carnivores et dangereuses"..Un bouquet moins simple et moins anodin qu'il n'en a l'air.

Annabel est un livre qui parle à l'oreille des trappeurs.

Un livre profond et rustique à la fois, qui saisit la poésie des choses ordinaires: les patates qui germent, les pieds qui pèlent, le bois à corder, les fleurs à crocheter. Mais aussi les ponts à habiter, les partitions à chanter, les danses à danser, les nages à synchroniser.. comme l'amour paternel, conjugal, filial si souvent à contre-temps!

C'est un livre qui parle sans mélo, sans drame mais avec une attention pudique et sensible du trouble intime , du vertige intérieur d'un corps qui ignore sa propre "monstruosité" et la découvre peu à peu, et du trouble extérieur que le poids d'un secret et celui du silence font peser sur toute une famille.

Wayne est né fille et garçon. Son père décide qu'il sera un fils, sa mère regrette sa fille secrète, la voisine, Thomasina, lui donne en secret le nom d'Anabel, sa fille disparue.Tous, avec la meilleure foi du monde, aiment Wayne-Anabel comme ils le peuvent, et l'empêchent d'être ce qu'il est en le rêvant autre qu'il naît.

Wayne, lui, -ou elle- hésite, souffre, devine, découvre, espère, choisit, regrette, désespère...

Comme les choses, les objets, comme la nature si présente dans le récit, les personnages aussi ont une réelle épaisseur: on vibre donc à l'écoute de cette histoire d'une reconnaissance chorale - sans jamais jeter l'anathème sur aucun d'eux.

Ni sur le père, pas aussi homme des bois qu'il n'y paraît, ni sur la mère pas aussi lâche, ni sur la voisine pas aussi fugueuse, et encore moins sur Wayne, pas aussi paumé, pas aussi perturbé par ce que son corps lui apprend de lui, et qui sait toujours trouver un point d'appui ou d'écoute pour affiner sa quête d'une identité difficile.

Un beau livre, poétique, dense et bien écrit, parfois triste mais jamais pesant, toujours confiant dans la nature -qu'elle soit humaine ou non.




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Pas de résumé pour commencer ce petit billet: ça ne donne pas toujours envie de lire la suite quand on connait déjà l'histoire..
C'est le genre de livres qu'on offre aux amis avec qui on aime partager les belles choses. Vous avez compris: "Annabel" est un coup de coeur !
Bref résumé quand même: Un enfant naît hermaphrodite, nous sommes dans les années 60, au fin fond du Labrador. le décor est planté: le"problème" ( la différence), le conteste (l' époque, le lieu) et, au fil des pages, nous allons vivre avec William dont on a voulu faire un garçon, mais dont l' alter ego Annabel se manifeste par mille signes.
Sujet délicat qui fait craindre le trash, le voyeurisme ou le mélo.: ce n'était manifestement pas le propos de l'auteur. C'est un livre pudique mais qui n'élude rien, même le plus terrible. Les personnages , gens simples, dépassés par la situation, sont finalement de "belles personnes" dont l'attitude va évoluer au cours du récit. La nature omniprésente ( très belles descriptions) y joue sa partition en influençant émotions et sentiments.
J'ai vraiment ressenti une émotion indéfectible à la lecture de ce roman que je recommande à tous car il traite en fin de compte du thème universel du droit à la différence et ne vous laissez pas rebuter par la photo de couverture qui, à mon humble avis, est plutôt moche ! ! !
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