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Critique de Christophe_bj


« C'était un livre lent, qui frisait la somnolence, dans lequel les événements s'enchaînaient sans arc narratif majeur, sans drame central, sans mystère à résoudre, comme si le vagabondage du protagoniste était un miroir de la trame narrative. » ● 1952. Nicolas est psychiatre. Après avoir exercé pendant la guerre à Vichy, il a pris un poste dans une clinique en Suisse, le « Centre », dans un village à proximité de Lausanne. Il a aussi élu domicile dans ce village avec sa femme Anna, qui s'ennuie comme elle s'ennuyait déjà à Vichy. Nicolas rentre de sa journée de travail et lui parle de son patient américain L., qui est anéanti par « une tristesse infinie ». Nicolas et ses confrères sont adeptes de la thérapie par la parole et se méfient des électrochocs. Mais selon sa femme Nicolas lui-même pourrait souffrir de mélancolie. Bientôt une nouvelle molécule miracle va apparaître : le Centre l'adoptera-t-il ? ● C'est là un roman très original sur la psychiatrie des années 1950 et les bénéfices comparés, dans le traitement des psychoses, de la thérapie par la parole, des électrochocs et de la chlorpromazine, le premier antipsychotique, encore prescrite de nos jours, qui a commencé à être utilisée en psychiatrie par le chirurgien de la marine Henri Laborit (l'auteur de nombreux livres passionnants – bien qu'un peu datés – de sociobiologie dans les années 1970 et 1980) au Val-de-Grâce. ● Les patients de Nicolas nous sont un peu présentés comme des études de cas, et le livre est moins un roman qu'un essai fictionnalisé sur la mélancolie – au sens médical, c'est-à-dire la dépression profonde. « Ce qui me choque le plus […], c'est que ces patients veulent tous mourir. […] Vous devriez considérer la mélancolie comme une maladie aussi grave que le cancer. » La mélancolie, c'est « une tristesse de la taille de l'univers, qui se répandait dans l'espace, qui ne connaissait pas de frontières, une tristesse cosmique. » ● « Pourquoi est-il si difficile pour les mélancoliques de sortir de leur lit ? Pas seulement parce qu'ils savent que rien de bon ne les attend hors de leur chambre, mais parce que toutes leurs actions possibles sont des idées mort-nées. » ● L'ambiance des années 1950 est bien rendue, de même que le village suisse qui semble perpétuellement enneigé et où il ne se passe jamais rien, trou perdu au milieu des montagnes. ● Dans la pathologie des patients de Nicolas et de Nicolas lui-même, la guerre encore récente joue un rôle prépondérant. Nicolas ressent une culpabilité d'avoir passé la guerre embusqué à Bordeaux et à Vichy, acceptant des soigner des collabos notoires. Une de ses patientes, Mary, se sent, elle, coupable d'avoir participé, même à son niveau minime, à l'élaboration des bombes qui seront larguées sur le Japon. ● On croise dans ce roman non seulement Freud et Jung, bien sûr, mais aussi Jean Starobinski, psychiatre de renom et grand critique littéraire, ou encore Theodor Frankl : « Ce que Frankl vendait, c'était un concept appelé logothérapie ; pour lui, chercher un sens à la vie était plus important que la quête d'un analyste freudien qui interroge son patient sur un trauma originel. » ● A noter que le personnage principal s'appelle Nicolas Legrand, mais que son vrai nom était « plein de consonnes [et] se terminait par un « y », un nom qui trahissait une origine impure aux yeux des Allemands », comme celui de l'auteur, qui lui-même nous dit avoir connu cette « tristesse infinie », ce qui bien sûr l'a aidé à écrire ce livre très intéressant et original. ● Merci à @Patsales de me l'avoir fait découvrir.
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