Est-il si seul, cet homme ?
Dans ce roman très largement autobiographique, en tout cas, il l'est rarement : il parle beaucoup avec beaucoup de femmes, il rencontre beaucoup de personnes, et quand il est effectivement seul, il se parle à lui-même, ou bien au lecteur.
L'homme seul du titre me paraît plutôt seul de son espèce, incompris au milieu des autres, ou isolé dans des relations trop superficielles.
Il a beaucoup souffert,
Gao Xingjian, dans la Chine maoïste. Il a vécu dans une société contrôlée, surveillée dans ses moindres faits et gestes, dans la terreur totalitaire, terreur de la dénonciation, du "dossier" constitué sur chaque citoyen.
Son individualisme a souffert des structures collectives, de l'écrasante bureaucratie.
Sa sensibilité a souffert de l'interdit sur l'art et la culture.
Gao Xingjian a réellement connu les camps, le "laogai" : il a été "rééduqué" dans les travaux agricoles pendant six années.
Il a dû brûler un roman, des poèmes, tout, tout ce qu'il avait écrit jusque là.
On comprend son amertume.
Curieusement, il choisit ici de relater sa vie au travers d'une relation, fin des années 90, avec Marguerite, Allemande, juive, chacun d'eux mettant en parallèle sa propre terreur. (Enfin, lui parle davantage qu'il ne l'écoute.)
Puis Marguerite disparaît de sa vie et de l'histoire.
On a donc une oeuvre assez décousue, tissée d'épisodes amoureux et de souvenirs de Chine, d'un séjour à Hong-Kong peu avant la rétrocession, de rencontres à New-York ou Paris.
Tout du long il établit un parallèle entre dictature et frustration sexuelle, Occident et abondance de relations féminines.
Au bout d'un moment, on se lasse. (Pas loin de 600 pages, tout de même.)
De même, pour vraiment entrer dans le roman, il faut une certaine familiarité avec l'Histoire de la République populaire de Chine, et j'avoue avoir survolé certains chapitres, tant est étouffant ce monde morne et clos, sclérosé par le manque d'ouverture, plombé par les incessantes accusations et luttes de pouvoir.
Conclusion : j'ai apprécié l'écriture minutieuse, dans la belle traduction de Noël et
Liliane Dutrait, mais c'est tout de même beaucoup moins envoûtant que "
La montagne de l'âme".
Challenge Nobel
LC thématique mars 2023 : "Une biographie romancée ou non"