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Critique de Dandine


Il est mort. Et s'eclipse avec lui toute une generation de grands, Appelfeld, Oz, Kenaz.


J'ai voulu lui rendre hommage, parler de lui a travers son dernier livre paru en francais. Et j'en tire une phrase qui va servir mon impression: “Cela ne vaut pas la peine de pleurer à cause d'un vieux livre”. Parce que je pleure la disparition de Yehoshua, de Bouli, comme l'appelaient ses amis, mais ce livre, ecrit quand il etait deja tres malade, et surtout abattu par la mort de sa femme, Ika, la compagne de sa vie, qu'il avait decide d'aimer a cent pour cent depuis le debut, comme il avait confesse, ce livre ne compte pas parmi ses meilleurs, et ce n'est pas a cause de lui que je pleure, mais porte par mes remembrances de “Monsieur Mani", de “L'annee des quatre saisons", de ses nouvelles, les etourdissantes nouvelles de sa jeunesse, et peut-etre surtout par ses ecrits politiques, ses courageuses prises se position contre les derives clericalo-patriocardes de son pays, lui qui avait toujours ete un sioniste de gauche soutenant la cause d'un etat palestinien libre aux cotes d'Israel. Meme si vers la fin un certain pessimisme le gagnait, le rongeait.


Mais je dois rendre compte de ma lecture. Je n'ai pas ete enchante. L‘heroine est une adolescente juive italienne perdue dans un tourbillon d'identites religieuses differentes: son pere, juif non croyant et non pratiquant, s'entete a lui faire apprendre l'hebreu a l'approche de sa “bat mitzva" (l'equivalent juif de la communion) et l'empeche de prendre part a la saynete de Noel de son ecole; sa mere s'est convertie a son mariage; elle a donc des grands parents chretiens et juifs, qu'elle aime tous; mais sa grand-mere chretienne s'avere fanatiquement athee et son grand-pere juif a du se cacher pendant la guerre dans un village de montagne ou il a officie comme cure pendant deux ans; son pere est ne dans un autre village, ou un medecin nazi a aide sa mere a accoucher. Quel maelstrom!


Mais je n'ai pas reussi a m'accrocher a cette heroine, qui s'exprime des fois comme une toute petite fille gatee et des fois comme une adulte particulierement sage et reflechie.
En plus j'ai trouve qu'il y a beaucoup trop de personnages pour un si petit livre, un si court roman, pas tous tres fouilles psychologiquement, et quelques uns, comme le rabbin venu de Jerusalem enseigner l'hebreu et les prieres, carrement caricaturaux.

Quelques situations m'ont aussi paru caricaturales, poussees a l'extreme de l'invraisemblance. Comme ce meme rabbin qui se deguise en cure au carnaval de Venise et est poursuivi par deux fetards deguises en juifs ashkenazes coiffes de shtreimls.

Et dans un si court texte l'usage de citations m'a semble exagere. Des pages entieres du Cuore de de Amicis, toute une chansonnette enfantine, une priere qu'il cite et repete encore et encore. C'est quoi ca? du remplissage?

Mais surtout ce qui m'a gene c'est que j'ai trouve le livre trop didactique. Je crois que Yehoshua a voulu, encore une fois, etayer ce qu'il suggerait deja dans nombre de ses livres: qu'il serait bon de reduire le poids des identites religieuses, profitable pour tous de ne pas enfermer chaque nouvelle ame dans un corset strict, raide et etouffant, de croyances et de valeurs. L'ideal pour lui serait une structure d'identites fluides et ouvertes. Un ideal humaniste ouvert a l'autre, dans la lignee de penseurs comme Buber et Levinas, ouvert jusqu'a la possibilite non seulement de comprendre l'autre, mais d'etre influence par lui, de changer un peu dans la direction de l'autre. C'est tout a son honneur, encore plus a son honneur vu qu'il est israelien et qu'il a essaye de se battre pour cet ideal dans son pays toute sa vie. Je ne peux qu'admirer cet homme. Mais j'ai lu un roman et je l'ai trouve trop didactique.


Je suppose que d'autres apprecieront ce livre plus que moi ou seront plus clements. Que m'est-il arrive a moi? J'en attendais plus? Trop peut-etre? Mais je ne vais pas en rester la. Qu'il ne soit pas dit que le seul livre de Yehoshua que j'aurai recense dans ce site m'a ete une lecture mitigee. Je lirai le tunnel. Je relirai Monsieur Mani, je relirai L'Amant, je relirai ses nouvelles. J'essaierai d'en parler. Parce que c'est un grand auteur. Parce que c'etait un grand homme, qui va manquer a tous ses interlocuteurs, israeliens et palestiniens melanges.

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