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Critique de bobfutur


Intimidé, on peut l'être, devant un tel titre, assurément l'un des plus beau de la littérature française, peut-être le roman le plus éclatant de cette grande citoyenne du monde, dont Bruxelles conserve jalousement l'origine, à défaut de sa citoyenneté, malgré son emploi juste et remarquable du mot « couque »…

Marguerite Yourcenar n'a eu de cesse d'arpenter le monde, elle qui a si bien su se défaire de certaines convenances, pour mieux en embrasser d'autres, refusant obstinément de servir autre chose que la grande littérature, ne laissant dans les mémoires en mal de figure qu'une image floue et peu accessible, impossible à ériger comme symbole malgré sa grande liberté.

Sa langue d'une grande richesse apparait double : tout en embrassant les grands préceptes linguistiques de ses aînés, elle use parfois d'une syntaxe propre à des langues non-latines, déliant de longues propositions dont le sens ne viendra qu'une fois toutes étalées.

Sous prétexte du grand roman historique, elle en profite pour créer un inoubliable personnage littéraire, l'alchimiste Zénon, modèle de rigueur et de doute dans une époque propice aux délires religieux, double personnel et sûrement inconscient du Zéno d'Italo Svevo

La structure de l'oeuvre, sans cesse remaniée, donne lieu à une longue introduction explicative dans cette version Pléiade, amenant peut-être cette impression d'une oeuvre qui, à force de travail de son auteure, semble souffrir d'un petit manque de « fraîcheur », laissant navré l'auteur de cette critique devant ce sentiment qu'il arrive à s'expliquer sans bien réussir à le définir… Serait-il influencé par l'appareil critique au point d'y voir des failles qui n'existent pas ?
Toujours est-il que le roman semble parfois un peu morcelé, désincarné, quand à d'autres moments il étonne par la proximité qu'il arrive à établir avec une période si lointaine et chaotique, où le prix d'une vie humaine semblait si dérisoire face aux volontés pyromanes de ses ignobles dirigeants-gourous ; certains passages sont absolument saisissants d'empathie, tel son inoubliable épilogue, quand d'autres semblent figés dans une froide contemplation, la complexité de certaines phrases en partie responsable.

Mais que l'on ne s'y méprenne pas, la catégorisation « chef-d'oeuvre » ne souffre d'aucune contestation possible, et sa lecture ne s'avère au final pas si exigeante — contestant par là l'avis de certains lecteurs, sans doute réticents à prolonger une certaine concentration, effets délétères prouvés de l'utilisation des smartphone (*) — alors que résonne encore l'empreinte de cette poignée d'Homme qui, tout au long de l'Histoire, ont su refuser les injonctions d'un pouvoir éternellement corrompu par la veulerie et le mensonge.

(*) : vous n'y verrez là, je vous en prie, aucune malice de ma part, plutôt un simple constat corroboré par toutes les études d'impact un peu sérieuses sur le sujet (elles sont d'ailleurs plutôt en petit nombre, vu l'emploi à présent unanime et discriminatoire de ces engins) : ces objets détruisent littéralement la capacité d'attention et de concentration de leurs utilisateurs, et résister à leur usage enferme l'individu-rebelle dans une certaine solitude, rangé comme ermite ou marginal, son attitude critique balayée par une soi-disant contingence à la modernité…
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