AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de PatriceG


Evgueni Zamiatine
Ecrivain russe, Ingénieur naval
Né dans la province de Toubov (pépinière d'artistes)

Evgueni Zamiatine, né en 1884, encore un écrivain russe qui n'échappe pas à la règle implacable : 20 ans après lui échoit la révolution, 10 ans plus tard lui échoit de faire un choix cornélien : entre les bolcheviks ou l'exil malgré son habileté extraordinaire à surmonter les épreuves.

Qui plus est quand on est fils de prêtre orthodoxe, est-ce le bon profil pour briguer le titre (non pas tant convoité) d'écrivain soviétique, je ne le pense pas. Pourtant il le sera un peu. mais ça ne va pas durer, l'homme a une personnalité trop forte pour se mettre dans le moule soviétique qu'il ne supportera plus dès les années 1920.

Evgueni Zamiatine n'en a cure de l'histoire qu'il voit s'écrire sous ses yeux, sauf pour l'interpréter de manière dérisoire, satirique, néo-réaliste : il fera des émules qu'on étudie aujourd'hui !. Il aime son pays, il défendra son pays, mais on ne le fera jamais marcher à la baguette. Sa vision est comparable à celle de Tolstoï : il ne mettra jamais tous ses oeufs dans le même panier, ou comme Leskov plus près de lui .. Il aime lire et écrire, va se révéler doué pour la littérature, mais il n'était pas bon en maths, il fera polytechnique à Saint-Pétersbourg, il en sortira ingénieur naval.

Qui ne connaît pas Zamiatine, en costume blanc par exemple, genre bandit de Marseille, oui peut-être aujourd'hui il est un peu oublié en occident. En Russie il a été connu assez vite pour les deux activités : artiste écrivain et ingénieur naval. Dans cette quasi disgrâce qu'il connaîtra ensuite comme bien d'autres en URSS, il y a une raison à cela, c'est que tout exilé pour des raisons de droit commun ou politique devient persona non grata dans son propre pays, l'éloignement sera inévitable.

Outre ses talents intellectuels, l'homme est fantasque, solaire. En 1905, il est dans les manifs contre le régime, parce qu'il est étudiant et que l'air du temps pour un étudiant est d'être contre le régime, on sent poindre les rabatteurs, il est arrêté, incarcéré et va connaître des déboires pendant les années qui suivent. Il se met alors à publier fort de ses expériences ". Si j'existe dans la littérature russe, dit-il, je le dois à la police de Saint-Pétersbourg". Il connaît le succès puis il participe à la révolution russe, théorise même sa littérature qui est de la science fiction teintée de causticité. le régime change de couleur, Les bolcheviks le soupçonnent d'être une peau de lapin à la solde des socialistes révolutionnaires. il évite de peu les camps. Ses oeuvres finissent par être déclassées, interdites. Il publie à l'étranger, il dénonce le harcèlement fait aux écrivains soviétiques, il écrit, sans la moindre gêne, à Staline et obtient des conditions favorables pour son exil, rejoint de Moscou l'Allemagne, puis la France où il mourra en 1937 dans un quasi-oubli. Nabokov et Bounine font un beau geste en venant un mois après son enterrement se recueillir sur sa tombe au cimetière de Thiais : ils liront deux nouvelles de l'artiste.. Il était de ces esprits supérieurs pouvant s'apparenter à Nabokov en effet ..
Nabokov

C'est un repas frugal que je sers là bien évidemment, on a du mal à résumer, même quelques pages ne suffiraient pas, la vie de ce trépidant personnage à la fois attachant et mystérieux qui a tant fait jaser avec ses ripostes littéraires à chaque fois que l'on pensait l'avoir dompté. On ne compte plus les pavés qu'il a, à sa manière, lancés dans la marre. Il donna beaucoup de fil à retordre aux autorités d'où qu'elles viennent. Il est évidemment intéressant de le lire maintenant. Je crois pouvoir ajouter néanmoins que la passion pour ses activités à la fois artistiques et scientifiques a comblé cet homme tant qu'elles ont pu s'exercer, mais son renfermement en exil ne signifie pas autre chose qu'un animal mis en cage éloigné de sa terre natale qui se laisse décliner.

Commenter  J’apprécie          192



Ont apprécié cette critique (18)voir plus




{* *}