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Critique de Sachenka


Dans beaucoup de roman, des personnages secondaires sont là pour jouer leur petit rôle puis disparaissent aussi rapidement qu'ils sont venus. C'est dans l'ordre des choses, aussi attachants ou intéressants qu'ils puissent être. Mais parfois, cinquante ou même cent ans après leur bref passage dans la littérature, un nouvel écrivain les ressort et invente les aventures qu'ils auraient dû vivre. Par exemple, Kamel Daoud l'a fait avec l'Arabe de L'étranger. Mais, dans le cas qui nous concerne, l'auteur mexicain José Luis Zarata a imaginé le voyage du capitaine du Déméter, ce bateau malheureux qui a transporté le comte Dracula de sa Transylvanie natale en Angleterre. Je ne dévoile pas l'intrigue, la quatrième de couverture fait mention du célèbre vampire. Et les premiers mots de l'histoire sont « À bord du Déméter, de Varna à Whitby ». Avec ces trois noms propres mis bout à bout dans la même phrase, pas moyen de se tromper… Et c'est peut-être une bonne chose de le savoir dès le début. Au lieu de se questionner ce qui se passe (ça peut paraître confus et le lecteur peut se demander où l'auteur veut l'amener), on guette les manifestations surnaturelles, craignant la suivante, se laissant entrainer par l'atmosphère claustrophobique. Dans tous les cas, ça a fonctionné avec moi, j'ai bien apprécié cette lecture.

Dans l'oeuvre originale de Bram Stoker, l'arrivée du Déméter est entourée de mystère. le peu qu'on en sait, on l'apprend à travers les coupures des quotidiens et le journal de bord du capitaine. Ce qu'on en retient, c'est que le voyage fut un enfer, que les membres de l'équipage ont sombré dans la folie et sont disparus un à un. Ce fut suffisant pour José Luis Zarata pour écrire La glace et le sel.

Le roman est divisé en trois parties. La première raconte l'embarquement des caisses qui contiennent la terre de Transylvanie, et incemment Dracula, puis leur déplacement jusque dans la mer d'Égée. Mais aucune mention n'est fait du célèbre vampire. L'auteur s'attache à décrire le capitaine du Déméter, son travail, ses penchants homosexuels qu'il ne peut satisfaire auprès de son équipage composé de Russes ou de Roumains aux noms étranges, sa relation trouble avec un certain Mikhail, mort dans des circonstances tragiques depuis un certain temps. Toutefois, l'auteur attache autant d'importance, sinon plus, à créer une atmosphère glauque. Les marins vivent dans un monde rude, rempli de légendes folkloriques (il faut dire que le début du 19e siècle s'y prête plus que notre époque moderne) comme celles des vrykolakas, des morts noyés qui viennent hanter les vivants…

Mais le danger n'émane pas seulement des peurs surnaturelles, il peut venir de tous les côtés. Il y a d'abord ces tziganes qui ont apporté les caisses de terre, ces hommes sans foi ni loi sont prêts à tout. Et que dire de ces Turcs à qui on ne peut faire confiance ? Finalement, il y a le brouillard puis la mer, cette terrible maitresse qui peut se transformer en tombeau pour les marins. Ainsi, le sentiment de tension est bien présent.

Dans la deuxième partie, une menace plus précise commence à se faire sentir. Les rats sur le bateau ont un comportement bizarre, les nuits une ombre est aperçue sur le pont, l'équipage est fatigué. Et qu'est-ce que cette marque sur le coup de Petrovsky ? Quand les marins commencent à disparaître dans des circonstances étranges, la terreur s'empare petit à petit du reste de l'équipage. Et du lecteur par la même occasion. La troisième partie du roman nous entraine dans leur folie, particulièrement celle du capitaine.

La glace et le sel est un roman assez court, 168 pages. Même les paragraphes sont courts, plusieurs ne comptant que deux ou trois phrases. Parfois même une seule. Comme si l'auteur nous sussurait son histoire en brèves saccades. Ça ajoute au malaise et à l'exarcerbation des sentiments. D'autant plus que l'histoire est racontée à la première personne, du point de vue du capitaine, cet être torturé (avant même le chargement du vampire), frustré dans ses penchants homosexuels, dont les rêves érotiques sont surement manipulés par Dracula. le roman tout entier semble empreint d'une certaine sensualité qui, avec les éléments fantastiques et gothiques, en font une oeuvre vraiment originale.
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