Route 666 (Les Culbuteurs de l'enfer)

Lors d'un passage court mais particulièrement descriptif, l'auteur nous invite à imaginer "Un tableau. Plus d'intrigue et plus de personnages". Cette citation illustre pourtant mon ressenti sur tout le roman : un héros plat et inintéressant qui traverse des aventures survolées et anecdotiques. Une immersion zéro et un univers post-apo qui apparaît aujourd'hui bien pauvre. Grosse déception...

Ma première incursion dans l'univers de cet auteur apparemment prolifique qu'est Zelazny qui s'adonne ici au récit post-apocalyptique.

J'imagine qu'à l'époque de sa sortie (fin des années '60), "Route 666" devait jouir dans les milieux spécialisés, d'une réputation plutôt positive : récit linéaire (le héros doit livrer un précieux vaccin pour sauver ce qui reste d'humanité et pour cela, traverser les Etats-Unis désormais devenus un dangereux wasteland désertique à bord d'un convoi high-tech surarmé, et échapper par la même occasion à une condamnation à la prison à vie), (anti)-héros "bad-ass", péripéties routières qui s'enchaînent tout au long du roman, atmosphère de fin du monde, retour à un état presque primitif de l'Humanité, violence gratuite, bestiaire haut en couleurs de créatures mutantes...
Aujourd'hui, après que les "Mad Max", "New York 1997", "Les guerriers du Bronx", "New York ne répond plus", "Le camion de la mort"... aient dilué les souvenirs des fans de genre, il convient de resituer cette oeuvre dans son contexte chronologique et l'affirmer haut et fort : il s'agit à mon sens, d'une pièce matricielle puisqu'elle était là avant toutes les autres.
A mes yeux, cela ne fait pas un pli : "Route 666" a forcément été pillé dans une indifférence totale.
Snake Plissken de "New York 1997" et Max de "Mad Max" (pour les plus connus du grand public) doivent énormément au Hell Tanner de "Route 666", bad boy héroïque et christique que le cinéma de genre a consacré comme héros devenu archétypal à force d'être galvaudé (même notre Johnny Hallyday national a incarné ce genre de héros dans un "Terminus" de sinistre mémoire...).

Il faut toutefois l'avouer : je n'ai pas trouvé tout cela très bien écrit, et ce n'est hélas pas le haut du panier d'un genre devenu désormais très codé.
Bien que le lecteur plonge "in medias res" dans un récit mouvementé, cela se lit sans enthousiasme et presque avec un ennui poli.
L'auteur ne s'embarrasse pourtant pas de lourdeurs dramatiques : à peine 200 pages, pas de psychologie des personnages (on est dans de la pure "série B" après tout), qui distribuent plus volontiers du plomb et de la castagne, que des considérations philosophiques, les infos sur l'origine de la catastrophe qui a condamné la Terre sont données au compte-goutte, on y trouve quelques passages mystiques qui m'ont beaucoup fait penser à la "Tour sombre" (ce gros malin de Stephen King ne l'a jamais dit, mais je le soupçonne fortement de s'être inspiré de ce roman...) ; il aurait pu en résulter un roman sec et efficace, tout au service de l'action et de l'incarnation crédible d'un univers chaotique. C'est de la littérature pulp sans grande envergure et sans autre ambition qu'un entertainment sur le très court terme (ce qui n'est pas un mal en soi)... mais malgré cette économie de moyens, je n'ai pas été emporté par la recette de l'auteur. Dommage.

On salue l'initiative des éditions Mnémos qui ont récemment réédité cette oeuvre épuisée, dans une sympathique collection dédiée au genre SF / fantastique avec des illustrations de couverture soignées et pas trop kitsch (bien que le kitsch des anciennes éditions a son charme).
Cela offrira certainement à ce roman "sorti du grenier" une seconde vie auprès des potentiels lecteurs du 21e siècle.

Je remercie les éditions Mnémos et Babelio pour ce livre offert dans le cadre du Masse critique de mars 2018.