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Critique de Jackiedream


J'avais déjà à mon actif la lecture de deux romans de Zola : Germinal ainsi que l'Oeuvre, deux livres que j'avais littéralement adoré. Autant vous dire que l'attente était grande concernant celui-ci... et je n'ai absolument pas été déçue !

Roubaud est un sous-chef de gare au Havre, il est mariée avec une douce jeune femme nommée Séverine. Lorsque l'homme apprend que sa femme a eu des relations dans sa jeunesse avec le président de la compagnie ferroviaire, Grandmorin, il entre dans une colère noire. Il décide alors de tuer le président, par jalousie, par désir de vengeance. le meurtre se déroule durant un trajet de train Paris-Le Havre. Intervient alors Jacques Lantier, lui même conducteur de train et fils de Gervaise (l'Assommoir). En effet, alors qu'il se tenait aux abords des rails il a cru apercevoir un homme en poignarder un autre. Dès lors une enquête va s'ouvrir et les relations entre les personnages vont se compliquer, dès lors ce ne sera que mort et bassesses... Il faut également souligner que Jacques a un problème majeur : il rêve de tuer une femme et ne peut s'approcher trop près d'une charmante créature sans avoir envie de la saigner !

Cette critique s'annonce dithyrambique car je suis bien incapable de trouver quoi que soit à redire aux oeuvres d'Emile Zola et celle-ci ne fait pas exception à la règle.
C'est Zola au sommet de son oeuvre (mais n'est-il pas bien présomptueux de décréter un sommet a une oeuvre d'une telle ampleur ?). le drame se déroule de façon magistrale, imprévisible, implacable tel le train qui avale les kilomètres. Les personnages sont tous détestables chacun à leur façon : Séverine par sa complicité dans le meurtre, cette femme qui semble semer la désolation autour d'elle, cette femme qui ne paraît pas si belle au premier abord mais qui finit par capturer les hommes et à les rendre fous. Jacques, détestable par sa lâcheté à cautionner le meurtre, puis par sa lâcheté à ne pas pouvoir tuer, détestable pour sa folie et pour sa tare. Et que dire de Roubaud, ce rustre qui assouvit son besoin de vengeance pour finalement devenir le plus pitoyable et méprisable des hommes, qui invite l'amant de sa femme à sa table. Mais d'un autre côté ils sont tous touchants, pathétiques : Séverine qui se jette à corps perdu dans l'amour véritable qu'elle découvre seulement ; Jacques affligé de cette tare qui lui interdit le bonheur...

J'ai également beaucoup apprécié l'univers de la gare, des trains, ce monde baigné d'une vapeur dense, d'une odeur âcre, ces machines qui sifflent et se mettent en branle de tous côtés. On s'habitue aux trajets Paris-Le Havre comme au train que l'on prend chaque matin pour aller au travail et chaque soir pour rentrer chez soi. On sentirait presque le vent sur son visage, on verrait presque le paysage défiler. Cette relation qui unit l'homme à sa machine, Jacques à la Lison, est vraiment belle. Malheureusement même cette relation de l'homme à sa machine va se dégrader, ils vont finir par sa détester. J'ai par ailleurs retrouvé cette ville du Havre que j'affectionne particulièrement, tout comme Paris.

Mais ce livre c'est aussi une critique social, humaine. On tue, on se tue, on projette de tuer... sans états d'âmes. On comprend vite que le dénouement ne peut qu'être tragique, le sang coulera encore, d'une manière ou d'une autre. Les rails sont le décor, l'arme du crime, la scène de cette sinistre histoire : on meurt dans le train pour les plus chanceux, voire sous les terribles wagons. Les passions sont destructrices, l'amour n'existe qu'en dehors du mariage et n'engendre que malheur. Les femmes rendent les hommes fous, l'argent rend les hommes fous... autant de raisons suffisantes pour commettre l'irréparable, la solution est toujours la mort. Même les personnages plus secondaires sont rongés par leurs folies : jalousie, vénalité... Quand le bonheur se profile à l'horizon, quand on voit le bout du tunnel, quand la locomotive s'apprête à émerger au grand jour les hommes retombent dans leurs travers et laissent à voir ce qu'il y a de plus vil en eux. Ici c'est bien plus que la fameuse "tare génétique" chère à Zola, c'est l'atavisme le plus primaire qui pousse les êtres humains à se transformer en bêtes.
Et la justice dans tout cela ? Eh bien, elle condamne des innocents. Les vrais coupables sont connus, les preuves sont là mais pourquoi chercher des mobiles, des motivations qui peuvent paraître obscures, chercher à comprendre quand on a un coupable tout trouvé ? Même lorsque la vérité lui apparaît, le juge refuse de la voir, refuse de dévier de sa version du crime tant la réalité paraît sombre, complexe et tordue.

Ce roman est si sombre, violent, noir : j'ai adoré. Je ne pensais pas qu'il me plairait autant, à vrai dire. Je vois la suite de mes lecture comme un trajet en express : chaque arrêt porterait le nom d'un livre de Zola, et je descendrais bien évidemment à chaque fois du train pour visiter les merveilleuses contrées nées de l'esprit de ce grand romancier.
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