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Citations sur Les Rougon-Macquart, tome 11 : Au bonheur des dames (481)

La jeune fille trouva Mouret seul, assis dans le grand cabinet tendu de reps vert. Il venait de se rappeler « la mal peignée », comme la nommait Bourdoncle ; et lui qui répugnait d’ordinaire au rôle de gendarme, il avait eu l’idée de la faire comparaître pour la secouer un peu, si elle était toujours fagotée en provinciale. La veille, malgré sa plaisanterie, il avait éprouvé devant madame Desforges, une contrariété d’amour-propre, en voyant discuter l’élégance d’une de ses vendeuses. C’était, chez lui, un sentiment confus, un mélange de sympathie et de colère.

(...)

Elle n’ouvrait pas la bouche, elle se laissait arranger. Malgré son serment d’être forte, elle était arrivée toute froide dans le cabinet, avec la certitude qu’on l’appelait pour lui signifier son renvoi. Et l’évidente bienveillance de Mouret ne la rassurait pas, elle continuait à le redouter, à ressentir près de lui ce malaise qu’elle expliquait par un trouble bien naturel, devant l’homme puissant dont sa destinée dépendait.

(...)

Il la traitait en enfant, avec plus de pitié que de bonté, sa curiosité du féminin simplement mise en éveil par la femme troublante qu’il sentait naître chez cette enfant pauvre et maladroite. Et elle, pendant qu’il la sermonnait, ayant aperçu le portrait de madame Hédouin, dont le beau visage régulier souriait gravement dans le cadre d’or, se trouvait reprise d’un frisson, malgré les paroles encourageantes qu’il lui adressait. C’était la dame morte, celle que le quartier l’accusait d’avoir tuée, pour fonder la maison sur le sang de ses membres.

Chapitre V
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Et, le soir, lorsque Denise monta se coucher, elle s’appuyait aux cloisons de l’étroit corridor, sous le zinc de la toiture. Dans sa chambre, la porte fermée, elle s’abandonna sur le lit, tellement les pieds lui faisaient du mal. Longtemps, elle regarda d’un air hébété la table de toilette, l’armoire, toute cette nudité d’hôtel garni. C’était donc là qu’elle allait vivre ; et sa première journée se creusait, abominable, sans fin. Jamais elle ne trouverait le courage de la recommencer. Puis, elle s’aperçut qu’elle était vêtue de soie ; cet uniforme l’accablait, elle eut l’enfantillage, pour défaire sa malle, de vouloir remettre sa vieille robe de laine, restée au dossier d’une chaise. Mais quand elle fut rentrée dans ce pauvre vêtement à elle, une émotion l’étrangla, les sanglots qu’elle contenait depuis le matin crevèrent brusquement en un flot de larmes chaudes. Elle était retombée sur le lit, elle pleurait au souvenir de ses deux enfants, elle pleurait toujours sans avoir la force de se déchausser, ivre de fatigue et de tristesse.

Chapitre IV
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— Eh bien ! mademoiselle, voilà un joli début. Vraiment, si vous avez voulu montrer ce dont vous êtes capable… On n’est pas plus sotte.

Chapitre IV
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Ce fut le comble. Le directeur daignait rire, toutes ces demoiselles éclatèrent. Marguerite risqua un léger gloussement de fille distinguée qui se retient ; (...)

Denise avait encore pâli, au milieu de tout ce monde qui se moquait. Elle se sentait violentée, mise à nu, sans défense. Quelle était donc sa faute, pour qu’on s’attaquât de la sorte à sa taille trop mince, à son chignon trop lourd ? Mais elle souffrait surtout du rire de Mouret et de madame Desforges, avertie par un instinct de leur entente, le cœur défaillant d’une douleur inconnue ; cette dame était bien mauvaise, de s’en prendre ainsi à une pauvre fille qui ne disait rien ; et lui, décidément, la glaçait d’une peur où tous ses autres sentiments sombraient, sans qu’elle pût les analyser. Alors, dans son abandon de paria, atteinte à ses plus intimes pudeurs de femme et révoltée contre l’injustice, elle étrangla les sanglots qui lui montaient à la gorge.

Chapitre IV
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— Servez à quelque chose, au moins… Mettez ça sur vos épaules.

Denise, frappée au cœur, désespérant de jamais réussir dans la maison, était demeurée immobile, les mains ballantes. On allait la renvoyer sans doute, les enfants seraient sans pain. Le brouhaha de la foule bourdonnait dans sa tête, elle se sentait chanceler, les muscles meurtris d’avoir soulevé des brassées de vêtements, besogne de manœuvre qu’elle n’avait jamais faite. Pourtant, il lui fallut obéir, elle dut laisser Marguerite draper le manteau sur elle, comme sur un mannequin.

— Tenez-vous droite, dit madame Aurélie.

(...)

— Oh ! intervint madame Aurélie, il faudrait le voir sur madame elle-même… Vous comprenez, il ne fait aucun effet sur mademoiselle, qui n’est guère étoffée… Redressez-vous donc, mademoiselle, donnez-lui toute son importance.

On sourit. Denise était devenue très pâle. Une honte la prenait, d’être ainsi changée en une machine qu’on examinait et dont on plaisantait librement. Madame Desforges, cédant à une antipathie de nature contraire, agacée par le visage doux de la jeune fille, ajouta méchamment :

— Sans doute, il irait mieux si la robe de mademoiselle était moins large.

Et elle jetait à Mouret le regard moqueur d’une Parisienne, que l’attifement ridicule d’une provinciale égayait. Celui-ci sentit la caresse amoureuse de ce coup d’œil, le triomphe de la femme heureuse de sa beauté et de son art. Aussi, par gratitude d’homme adoré, crut-il devoir railler à son tour, malgré la bienveillance qu’il éprouvait pour Denise, dont sa nature galante subissait le charme secret.

Chapitre IV
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Elle resta, pendant que Marguerite montrait les modèles. Celle-ci prenait avec les clientes une voix sèchement polie, une attitude désagréable de fille vêtue de soie, frottée à toutes les élégances, dont elle gardait à son insu même, la jalousie et la rancune.

Chapitre IV
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Son sourire revenait, et il y avait, dans ce sourire, la secrète méchanceté d’un vendeur d’expérience, se doutant de l’embarras où il allait jeter ces dames et la jeune fille.

Chapitre IV
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Alors, il dit son pessimisme, les médiocrités et les avortements de l’existence. Un moment, il avait rêvé de littérature, et il lui était resté de sa fréquentation avec des poètes une désespérance universelle. Toujours, il concluait à l’inutilité de l’effort, à l’ennui des heures également vides, à la bêtise finale du monde. Les jouissances rataient, il n’y avait pas même de joie à mal faire.

Chapitre III
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Denise, cédant à la séduction, était venue jusqu’à la porte, sans se soucier du rejaillissement des gouttes, qui la trempait. À cette heure de nuit, avec son éclat de fournaise, le Bonheur des Dames achevait de la prendre tout entière. Dans la grande ville, noire et muette sous la pluie, dans ce Paris qu’elle ignorait, il flambait comme un phare, il semblait à lui seul la lumière et la vie de la cité. Elle y rêvait son avenir, beaucoup de travail pour élever les enfants, avec d’autres choses encore, elle ne savait quoi, des choses lointaines dont le désir et la crainte la faisaient trembler. L’idée de cette femme morte dans les fondations, lui revint ; elle eut peur, elle crut voir saigner les clartés ; puis, la blancheur des dentelles l’apaisa, une espérance lui montait au cœur, toute une certitude de joie ; tandis que la poussière d’eau volante lui refroidissait les mains et calmait en elle la fièvre du voyage.

Chapitre I
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Le silence régna. (...)
Dans cet accablement, toute la famille d’ailleurs, les yeux vagues, continuait à remuer les amertumes de son histoire. Jamais la chance ne leur avait souri. Les enfants étaient élevés, la fortune venait, lorsque brusquement la concurrence apportait la ruine.

Chapitre I
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