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Critique de Parthenia


Publié fin 1873, le Ventre de Paris est le 3ème tome de la fresque sociale Les Rougon-Macquart et met en scène Florent, un idéaliste républicain, arrêté par erreur après le coup d'état du 2 décembre 1851 et qui s'évade du bagne de Cayenne sept ans plus tard pour se réfugier chez son demi-frère, Quenu, qui tient un commerce de charcuterie prospère.
Comme pour La Curée, l'histoire se déroule à Paris, mais cette fois, l'auteur décrit la vie des petits-bourgeois boutiquiers avides d'aisance et de bonne chair après celle de la haute bourgeoisie travaillée par ses appétits de luxe et de pouvoir.
Le titre est une double métaphore faisant d'abord référence aux Halles de Paris où la nourriture est abondante, ensuite à l'absence de coeur des commerçants qui ne sont intéressés que par la satisfaction de leur appétit.

* Les Halles, un personnage à part entière :

C'est à travers les yeux d'un Florent abasourdi et perdu que le lecteur découvre les Halles, présentées comme "une machine moderne, hors de toute mesure, quelque machine à vapeur, quelque chaudière destinée à la digestion d'un peuple, gigantesque ventre de métal, boulonné, rivé, fait de bois, de verre, de fonte, d'une élégance et d'une puissance de moteur mécanique" (page 29) et d'où se dégage un sentiment de puissance et de rigidité.
Ces Halles, dont la construction, confiée à Baltard, a débuté en 1854 et s'étale sur 20 ans (donc, inachevée au moment où Zola écrit ce volume), symbolise la modernité. On ressent à travers les descriptions de l'auteur la fascination qu'elles ont exercée sur son esprit puisqu'il consacre un bon quart de son livre sur l'activité foisonnante du marché.
Habilement, Zola nous épargne l'ennui de cette abondance de descriptions en alternant les points de vue. En effet, l'environnement des Halles reflète les émotions ou la personnalité du personnage qui nous guide à travers elles. Ainsi, cet environnement apparaît dès le début hostile à Florent qui ressent en son sein une impression de saturation, amplifiée par les relents de pourriture ou de puanteur qui l'étouffent et l'écoeurent.
Tandis qu'à travers Claude Lantier, le peintre, nous avons une vision extrêmement vivante et colorée de l'endroit, qu'il nous dépeint d'une manière très picturale et où les senteurs des fleurs ou des fruits embaument l'air.
Les Halles apparaissent donc comme un endroit ambivalent, fascinant ou mortifère selon le tempérament de qui les regarde.

Mais les Halles, en dehors de leur structure métallique et de leur animation, apparaissent également comme un être doué d'une vie propre qui avale, digère puis expulse tout corps étranger : " Il [Florent] poussa violemment la fenêtre, les [les Halles] laissa vautrées au fond de l'ombre, toutes nues, en sueur encore, dépoitraillées, montrant leur ventre ballonné et se soulageant sous les étoiles." (page 264)

* Florent, une victime sacrificielle :

Dès le premier chapitre, on pressent le destin tragique de Florent . Tout d'abord, le fait qu'il se retrouve rue Montorgueil, là où "une bande de sergents de ville l'avait pris, dans la nuit du 4 décembre" (page 14) sept ans plus tôt, laisse planer un sentiment de malaise et paraît de mauvais augure pour la suite. Cette allusion est l'occasion pour l'auteur de nous dresser un premier flash-back sur le passé de Florent où il est arrêté et condamné de manière arbitraire, échappant de justesse à une exécution sommaire, et de nous faire prendre conscience de la férocité de la répression qui a suivi le coup d'état de 1851.
Ensuite, comme dit précédemment, le quartier des Halles, dans lequel il erre, affolé et perdu, semble le rejeter, préfigurant le sort qu'il lui réserve à la fin du roman. En effet, Florent est perçu par les habitants comme un étranger, dont les traits de caractère (frugalité, timidité, rêve utopiste) si différents des leurs l'excluent d'entrée de jeu.
Et pire que tout, Florent est un maigre, tare physique provoquant suspicion et rejet chez ces commerçants repus de graisse.

* La bataille entre les «Gras» et les «Maigres» :

La nourriture est dans ce livre un signe distinctif de richesse. Les Gras, représentés par les commerçants des Halles, n'éprouvent donc que méfiance envers les Maigres, personnalisés par Florent ou Claude Lantier, dont la maigreur est perçue comme la conséquences de leur vices et de leur fourberie supposée. "Il ne peut pas seulement engraisser le malheureux, tant il est rongé de méchanceté." (page 159) pense Lisa de son beau-frère.
Zola utilise cette métaphore des «Gras» et des «Maigres» pour critiquer l'absence totale de fraternité ou d'empathie de cette bourgeoisie favorable à la dictature de Napoléon III juste parce que l'empire garantit la prospérité du commerce. Lisa Quenu explique d'ailleurs fort bien cette politique, celle des "honnêtes gens... Je suis reconnaissante au gouvernement, quand mon commerce va bien, quand je mange ma soupe tranquille, et que je dors sans être réveillée par des coups de fusil..." (page 155).
En dehors de ces considérations, ces "honnêtes gens" sont indifférents à l'injustice qui frappe les prolétaires, et plus particulièrement Florent. le passage où celui-ci raconte ses souffrances et ses humiliations de forçat est d'ailleurs édifiant. le récit poignant qu'il en fait : "On vivait en bête, avec le fouet éternellement levé sur les épaules. Ces misérables voulaient tuer l'homme..." (page 89) laisse Lisa complètement insensible, provoque au contraire chez elle dégoût et mépris. Progressivement, elle en vient à haïr son beau-frère de peur qu'il ne compromette leur situation et n'apporte la ruine de leur maison. Et pour préserver son confort, Lisa avoue à son mari qu'elle est prête à tout : "je t'avertis que je me débarrasserai de lui carrément... Je t'avertis, tu comprends !" (page 159).
Car dans cette lutte des «Gras» contre les «Maigres», des bien nourris contre les mal nourris, les «Gras» l'emportent toujours sur les «Maigres».

* Un monde clos dominé par les femmes :

Deux groupes de femmes apparaissent prépondérants dans ce roman.
D'un côté, nous avons le duo rival formé par Lisa Quenu, surnommée la belle Lisa ou la belle charcutière et par Louise Méhudin surnommée la belle Normande.
De l'autre, le trio friand de commérages formé par mademoiselle Saget, une vieille fille qui orchestre la campagne contre Florent, la Sarriette et sa tante Mme Lecoeur (dont le nom lui sied si mal !) !
Mademoiselle Saget, enragée de curiosité, attise la rivalité entre la belle Lisa et la belle Normande dans le but de découvrir le secret qui entoure l'arrivée mystérieuse de Florent, allant jusqu'à répandre la rumeur que non seulement Florent est l'amant de Lisa mais qu'il l'est également des deux soeurs Méhudin.
Lorsque Florent est entraîné par Gavard, un parent de la Sariette et de Mme Lecoeur, dans une conspiration (inoffensive car il s'avère que les conspirateurs ne sont en fait que des fantoches) contre l'empire, elle n'hésite pas à grossir de mensonges ses médisances, affirmant que Florent aurait tué 6 gendarmes avant d'être envoyé au bagne.
Ce sont ses révélations sur le projet d'insurrection de Florent Publié fin 1873, le Ventre de Paris est le 3ème tome de la fresque sociale Les Rougon-Macquart et met en scène Florent, un idéaliste républicain, arrêté par erreur après le coup d'état du 2 décembre 1851 et qui s'évade du bagne de Cayenne sept ans plus tard pour se réfugier chez son demi-frère, Quenu, qui tient un commerce de charcuterie prospère.
Comme pour La Curée, l'histoire se déroule à Paris, mais cette fois, l'auteur décrit la vie des petits-bourgeois boutiquiers avides d'aisance et de bonne chair après celle de la haute bourgeoisie travaillée par ses appétits de luxe et de pouvoir.
Le titre est une double métaphore faisant d'abord référence aux Halles de Paris où la nourriture est abondante, ensuite à l'absence de coeur des commerçants qui ne sont intéressés que par la satisfaction de leur appétit.

* Les Halles, un personnage à part entière :

C'est à travers les yeux d'un Florent abasourdi et perdu que le lecteur découvre les Halles, présentées comme "une machine moderne, hors de toute mesure, quelque machine à vapeur, quelque chaudière destinée à la digestion d'un peuple, gigantesque ventre de métal, boulonné, rivé, fait de bois, de verre, de fonte, d'une élégance et d'une puissance de moteur mécanique" (page 29) et d'où se dégage un sentiment de puissance et de rigidité.
Ces Halles, dont la construction, confiée à Baltard, a débuté en 1854 et s'étale sur 20 ans (donc, inachevée au moment où Zola écrit ce volume), symbolise la modernité. On ressent à travers les descriptions de l'auteur la fascination qu'elles ont exercée sur son esprit puisqu'il consacre un bon quart de son livre sur l'activité foisonnante du marché.
Habilement, Zola nous épargne l'ennui de cette abondance de descriptions en alternant les points de vue. En effet, l'environnement des Halles reflète les émotions ou la personnalité du personnage qui nous guide à travers elles. Ainsi, cet environnement apparaît dès le début hostile à Florent qui ressent en son sein une impression de saturation, amplifiée par les relents de pourriture ou de puanteur qui l'étouffent et l'écoeurent.
Tandis qu'à travers Claude Lantier, le peintre, nous avons une vision extrêmement vivante et colorée de l'endroit, qu'il nous dépeint d'une manière très picturale et où les senteurs des fleurs ou des fruits embaument l'air.
Les Halles apparaissent donc comme un endroit ambivalent, fascinant ou mortifère selon le tempérament de qui les regarde.

Mais les Halles, en dehors de leur structure métallique et de leur animation, apparaissent également comme un être doué d'une vie propre qui avale, digère puis expulse tout corps étranger : " Il [Florent] poussa violemment la fenêtre, les [les Halles] laissa vautrées au fond de l'ombre, toutes nues, en sueur encore, dépoitraillées, montrant leur ventre ballonné et se soulageant sous les étoiles." (page 264)

* Florent, une victime sacrificielle :

Dès le premier chapitre, on pressent le destin tragique de Florent . Tout d'abord, le fait qu'il se retrouve rue Montorgueil, là où "une bande de sergents de ville l'avait pris, dans la nuit du 4 décembre" (page 14) sept ans plus tôt, laisse planer un sentiment de malaise et paraît de mauvais augure pour la suite. Cette allusion est l'occasion pour l'auteur de nous dresser un premier flash-back sur le passé de Florent où il est arrêté et condamné de manière arbitraire, échappant de justesse à une exécution sommaire, et de nous faire prendre conscience de la férocité de la répression qui a suivi le coup d'état de 1851.
Ensuite, comme dit précédemment, le quartier des Halles, dans lequel il erre, affolé et perdu, semble le rejeter, préfigurant le sort qu'il lui réserve à la fin du roman. En effet, Florent est perçu par les habitants comme un étranger, dont les traits de caractère (frugalité, timidité, rêve utopiste) si différents des leurs l'excluent d'entrée de jeu.
Et pire que tout, Florent est un maigre, tare physique provoquant suspicion et rejet chez ces commerçants repus de graisse.

* La bataille entre les «Gras» et les «Maigres» :

La nourriture est dans ce livre un signe distinctif de richesse. Les Gras, représentés par les commerçants des Halles, n'éprouvent donc que méfiance envers les Maigres, personnalisés par Florent ou Claude Lantier, dont la maigreur est perçue comme la conséquences de leur vices et de leur fourberie supposée. "Il ne peut pas seulement engraisser le malheureux, tant il est rongé de méchanceté." (page 159) pense Lisa de son beau-frère.
Zola utilise cette métaphore des «Gras» et des «Maigres» pour critiquer l'absence totale de fraternité ou d'empathie de cette bourgeoisie favorable à la dictature de Napoléon III juste parce que l'empire garantit la prospérité du commerce. Lisa Quenu explique d'ailleurs fort bien cette politique, celle des "honnêtes gens... Je suis reconnaissante au gouvernement, quand mon commerce va bien, quand je mange ma soupe tranquille, et que je dors sans être réveillée par des coups de fusil..." (page 155).
En dehors de ces considérations, ces "honnêtes gens" sont indifférents à l'injustice qui frappe les prolétaires, et plus particulièrement Florent. le passage où celui-ci raconte ses souffrances et ses humiliations de forçat est d'ailleurs édifiant. le récit poignant qu'il en fait : "On vivait en bête, avec le fouet éternellement levé sur les épaules. Ces misérables voulaient tuer l'homme..." (page 89) laisse Lisa complètement insensible, provoque au contraire chez elle dégoût et mépris. Progressivement, elle en vient à haïr son beau-frère de peur qu'il ne compromette leur situation et n'apporte la ruine de leur maison. Et pour préserver son confort, Lisa avoue à son mari qu'elle est prête à tout : "je t'avertis que je me débarrasserai de lui carrément... Je t'avertis, tu comprends !" (page 159).
Car dans cette lutte des «Gras» contre les «Maigres», des bien nourris contre les mal nourris, les «Gras» l'emportent toujours sur les «Maigres».

* Un monde clos dominé par les femmes :

Deux groupes de femmes apparaissent prépondérants dans ce roman.
D'un côté, nous avons le duo rival formé par Lisa Quenu, surnommée la belle Lisa ou la belle charcutière et par Louise Méhudin surnommée la belle Normande.
De l'autre, le trio friand de commérages formé par mademoiselle Saget, une vieille fille qui orchestre la campagne contre Florent, la Sarriette et sa tante Mme Lecoeur (dont le nom lui sied si mal !) !
Mademoiselle Saget, enragée de curiosité, attise la rivalité entre la belle Lisa et la belle Normande dans le but de découvrir le secret qui entoure l'arrivée mystérieuse de Florent, allant jusqu'à répandre la rumeur que non seulement Florent est l'amant de Lisa mais qu'il l'est également des deux soeurs Méhudin.
Lorsque Florent est entraîné par Gavard, un parent de la Sariette et de Mme Lecoeur, dans une conspiration (inoffensive car il s'avère que les conspirateurs ne sont en fait que des fantoches) contre l'empire, elle n'hésite pas à grossir de mensonges ses médisances, affirmant que Florent aurait tué 6 gendarmes avant d'être envoyé au bagne.
Ce sont ses révélations sur le projet d'insurrection de Florent [spoiler]qui vont précipiter la chute du forçat évadé, entraînant du même coup celle de Gavard [/spoiler]dont les 3 commères convoitent le magot.
Une scène m'a particulièrement marquée : celle où les odeurs incommodantes des fromages viennent souligner la nature abjecte des 3 femmes et de leurs propos malveillants. "C'était une cacophonie de souffles infects, depuis les lourdeurs molles des pâtes cuites, du gruyère et du hollande, jusqu'aux pointes alcalines de l'olivet. (...) Cependant, il semblait que c'étaient les paroles mauvaises de madame Lecoeur et de mademoiselle Saget qui puaient si fort." (page 230)
Comble de l'ironie, la réconciliation finale des deux rivales que sont Lisa et Louise condamne [spoiler]Florent à une nouvelle déportation...[/spoiler]
C'est Claude qui commentera, désabusé, le dénouement de l'histoire en s'exclamant : "Quels gredins que les honnêtes gens !"

* Les membres de la dynastie au second plan :

Avant d'en finir avec ma chronique, quelques mots sur la place des représentants des Rougon-Macquart. Cette fois, ils passent au second plan, même si Lisa Macquart, épouse Quenu, a un rôle important. Pour rappel, Lisa est la fille de Fine Gavaudan de qui elle tient son goût pour le travail, et d'Antoine Macquart dont elle a hérité le "besoin de bien-être très arrêté", ainsi que la soeur de Gervaise et de Jean, évoqués brièvement dans La fortune des Rougon.
Sa fille Pauline, âgé ici de 7 ans, sera l'héroïne de la joie de vivre, et Claude, l'artiste peintre qui guide Florent à travers les Halles, reviendra dans L'Oeuvre.

Un petit clin d'oeil est fait à Saccard lorque Lisa critique sa manière de vivre et d'amasser sa fortune : "Tenez, j'ai un cousin à Paris... Je ne le vois pas, les deux familles sont brouillées. Il a pris le nom de Saccard, pour faire oublier certaines choses... Eh bien, ce cousin, m'a-t-on dit, gagne des millions. Ca ne vit pas, ça se brûle le sang, c'est toujours par voies et par chemins, au milieu de trafics d'enfer. (...) Je l'ai aperçu, l'autre jour, en voiture; il était tout jaune, il avait l'air joliment sournois. Un homme qui gagne de l'argent n'a pas une mine de cette couleur-là. Enfin, ça le regarde... Nous préférons ne gagner que cent sous, et profiter des cent sous." (page 57)
Cette diatribe est à elle seule une véritable profession de foi et résume la personnalité de Lisa : économe, honnête (elle va jusqu'à proposer à Florent sa part d'héritage), chaste, convenable, ses qualités cachent en fait une hypocrisie doucereuse, un égoïsme et une lâcheté confondants qui en font un personnage terrifiant sous son apparente placidité.

La cruauté dont elle et une poignée de Gras font preuve à l'égard de Florent est à ce titre glaçante... La scène à la Préfecture de Police est d'ailleurs saisissante, [spoiler]où l'on apprend que Florent a été dénoncé par presque tous les habitants du quartier ![/spoiler]

J'ai trouvé ce 3ème tome particulièrement pessimiste et désespérant sur la nature humaine : Zola atteint des sommets dans la peinture au vitriol de cette petite-bourgeoisie uniquement préoccupée de son bien-être et de son goût pour la médisance, [spoiler]n'hésitant pas à faire condamner à la déportation deux êtres inoffensifs...[/spoiler]
Encore heureux que Claude Lantier et Madame François sont là pour compenser la médiocrité et la pourriture morale de cette classe sociale faussement honnête !
Lien : http://parthenia01.eklablog...
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