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Critique de jlvlivres


« Le Blanc au point rouge » suivi de « En embuscade » sont deux courts textes de Unica Zürn. Ils sont traduits par Hélène Quiniou et Thomas Hippler (2011, Ypsilon, 80 p.). le texte, bilingue, renvoie respectivement à « Im Hinterhalt » et « Das Weisse mit dem roten Punky oder Die Quersumme der Gesichter will ihr Ergebnis » (1981, Lilith Frauenbuchladen und Verlag, 231 p.). Les deux textes « font partie des premières proses écrites par Unica Zürn après la découverte merveilleuse » de « son passe-temps favori – trouver des ANAGRAMMES »
Le premier récit « Le Blanc au point rouge » est bref, 28 pages, daté de février 1959, est en partie autobiographique. Il est sans illustration, mais bilingue et divisé en deux parties. Les dédicaces de la première partie « À mon fils Christian / et à la table de multiplication par 9 » et à la seconde « à / Christian mon fils / à / H M Hermann Melville », suggèrent d'emblée une autobiographie. Ces fragments de souvenirs évoquent en effet des moments heureux que la narratrice à la première personne lie à un passé de mère et de fils.
Cependant, dans la majeure partie des fragments, il est question de « tristesse » ou de « folie ». La première personne « Je » est préférée à la troisième « Elle », comme dans les autres textes. Ceci pour obtenir une certaine distanciation qui caractérise la narratrice depuis longtemps. En comparaison, dans la seconde partie, le rêve de l'homme blanc « paralysé, à jamais enchaîné à son fauteuil roulant » rappelle la situation critique de Hans Bellmer, victime d'un AVC et devenu hémiplégique. Résultat, elle se suicidera, pensée qui la hante depuis l'âge de douze ans. Elle rend visite à Hans Bellmer et une fois dans son appartement, elle saute par la fenêtre.
« Qui a déjà fabriqué un cerf-volant avec un enfant- s'est laissé guider par l'enfant plutôt que par les instructions utiles à la fabrication d'un cerf-volant, sait combien de regards souriants de pure joie s'échangent pendant ce travail.et voilà le plus beau quand on fabrique un cerf-volant ». La complicité et les échanges de regards plutôt que la fabrication selon les instructions. On comprend que le texte soit dédié à son fils Christian. A fait, a-t-elle fabriqué un objet, toute petite, avec son père ? « Ma jeunesse est le malheur de ma vie ». Sans doute, elle regrette de ne pas avoir eu avec son père, trop souvent absent, ces contacts. Pas plus qu'avec son frère qui l'a violé. Ni avec sa mère qui la détestait « Un couteau vaut mieux qu'un ami ». Et l'ambiance familiale ne l'aide pas. « A cela, s'ajoute le déménagement de Paris pour le pays de brume d'Ermenonville »
Dans la seconde partie, la dédicace change. Si le fils Christian est toujours présent, s'y ajoute H M Hermann Melville. Unica Zürn adorait l'auteur de Moby Dick. Mais il y a toujours la distance, qu'elle souligne. « c'est la DISTANCE, et rien que la DISTANCE, qui signifie pour moi le merveilleux ». Ce n'est pas pour rien qu'elle souligne le mot distance par ses majuscules. En effet, elle a « rêvé, enfant, qu'elle épousais un monsieur aux cheveux blancs, paralysé, à jamais enchaîné à son fauteuil roulant, qui me prodiguait ses leçons ». Cruelle description de son rêve d'enfant brisé.
De Melville ? « alors adieu l'Irlande, la Chine- adieu vous que je n'ai jamais vues ». C'est encore une distanciation, mais bien physique, celle là.
Le ton est autant dramatique que distancé. A la limite, il est fortement désabusé. Réflexion ironique sur une enfance travestie et volée, récit autobiographique dans lequel elle relate « Impressions d'une malade mentale ». On reste avec un goût amer. « Quarante-trois ans et ma vie n'est pas encore devenue MA vie. Elle pourrait aussi bien être la vie de quelqu'un d'autre ».

« Im Hinterhalt » (En embuscade) est un court texte (36 pages mais qui sont en texte bilingue) ressemble à un récit d'aventure. Durant la période qui va de 1950 et 1954, Unica Zürn fait preuve d'une grande capacité à raconter des histoires. Elle met en scène et en mots tout un imaginaire qui se situe loin de l'écriture autobiographique.
« Tapi en embuscade au bord de la route, le brigand attend. Sa patience est visqueuse comme le sirop et suave comme son envie de meurtre ». Réminiscence du capitaine Achab qui attend lui aussi pour tuer Moby Dick. « Pendant ce temps, le baron noir attend le client derrière le long banc de bois. Il fait commerce de têtes de dame en cire, maquillées comme de serpents ». Et, entre autres, « il pleut dans la forêt de Rashomon ». En quoi ce texte ressemble t'il aux lignes de « Anagrammes », ou plus simplement à celles de « L'Homme Jasmin ».
Il y aura meurtre, peut être celui de « la femme au chapeau blanc », ou de son époux, ou encore du couple. Quatre prêtres et un bucheron en seront témoins, mais leurs 5 récits divergent. le mort ne sera pas la femme, car « elle attend d'embrasser le vainqueur ». Ainsi sont les femmes. Ainsi meurent les hommes.
« Je te cherche partout et j'aurais aimé te rencontrer pour rester près de toi pour toujours. Mais tu m'évites. […] Tu cultives ta solitude comme une maladie incurable ». « La solitude comme une maladie incurable », non pas en forêt de Rashomon, mais « rue Mouffetard ».
« Achab s'est pris une phoque pour épouse. La phoque lui donne de nombreux cachalots blancs, fins et délicats ». Plus loin on apprend que « les yeux de la phoque sont d'un brun chaud et foncé et sa gorge est pleine de morsures. Sans arrêt elle doit donner naissance à de petits cachalots. Voilà la malédiction de Moby Dick ». Et Pierre Senges qui n'en a pas parlé dans « Achab (Séquelles) » (2015, Verticales, 624 p.).
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