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Critique de Totophe17


Seconde rencontre avec Quentin Zuttion après Touchées et toujours la même émotion quant à la délicatesse du trait, la douceur de la mise en couleur, et cette fois-ci un scénario qui vous porte jusqu'à la fin que l'on n'attendait pas forcément.

Estelle est infirmière dans un EPAHD. Ses journées se passent entre les soins, les toilettes, les jeux avec les résidents mais aussi avec les départs réguliers suite à des décès. Ces morts sont toujours douloureuses pour Estelle qui s'attache aux patients. Elle sait que les résidents savent que la maison de retraite est leur dernière demeure avant le grand départ et que les soignants seront les dernières personnes à les accompagner.

Estelle s'attache et cherche à garder des souvenirs de ces personnes âgées avec qui elle vit au quotidien. Pour elle ce ne sont des vols, ce justes des fragments du passé des patients dont elle s'empare pour leur permettre de continuer à vivre à travers elle.

Estelle est coincée entre les obligations de son métier, les règles éthiques posées par son employeur et la détresse des résidents. Elle veut sortir de l'infantilisation qui est proposée voire imposée, elle veut apporter du bonheur aux gens. Estelle peut se mettre en porte à faux par rapport à la direction mais aussi par rapport aux familles, en particulier quant à la maladie d'Alzheimer.

Le roman graphique de Quentin Zuttion est tout en subtilité et en rupture. Il aborde la vie en EPAHD du côté des résidents mais aussi du côté des soignants. Pour ceux-ci, certains vont se contenter de la prestation à minima : on soigne, on surveille avec juste ce qu'il faut de compassion. Cela peut paraître dur mais c'est peut-être un moyen pour se protéger , pour ne pas tomber dans la dépression. D'autres vont s'investir plus, comme Estelle, car ils ne supportent pas la tristesse des patients. Ils ont besoin d'apporter plus. Quentin Zuttion montre la difficlté pour certains d'avoir deux vies bien distinctes, sans aucune porosité entre la vie professionnelle et la vie personnelle. La vie personnelle, même sentimentale d'Estelle, est submergée par sa vie professionnelle. Il n'existe pas de digue pour se protéger.

Quentin Zuttion se place aussi du côté des patients coincés entre leurs désirs et la réalité de la vie en collectivité avec parfois son côté infantilisant. Il nous montre leur quotidien avec leurs joies, leurs peines, leurs envies, leurs peurs, leur tristesse aussi parfois. Les relations avec les proches sont aussi décrites.

Jusqu'où peut-on , doit-on accompagner ? Comment peut-on se protéger, mettre de l'empathie sans se mettre mentalement et moralement en danger ? Se pose la limite entre le professionnel et le personnel.

Le choix graphique de Quentin Zuttion permet de complètement sur le scénario sur le contenu. le choix d'un graphisme épuré, d'un dessin avec très peu de couleurs, le bleu pâle étant dominant, donnant une impression vaporeuse comme éthérée.

La fin ne sera pas sans vous surprendre comme cela était mon cas. Une fois de plus, Quentin Zuttion réussit à nous "toucher" par une belle évocation d'un métier difficile dans un milieu aussi difficile.
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