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Critique de afriqueah


Après un prologue digne d'un thriller, annonçant un singulier évènement, en 1912, dans le port de Naples, le récit censé nous en donner l'explication se passe sur un bateau, comme dans « le joueur d'échec », c'est-à-dire un endroit fermé, et en même temps se déplaçant, comme tout récit digne de ce nom.
Le narrateur rentre de Calcutta, s'ennuie dans sa couchette/cercueil, sort donc sur le pont, et comme dans le jouer d'échec et dans 24 heures dans la vie d'une femme, il reçoit les confidences d'un deuxième homodiégétique (selon le classement de Genette) : chacun au centre de lui-même, s'ennuyant pareillement.
La confession, en plusieurs nuits, que reçoit notre premier narrateur, dans le noir de la poupe du bateau et le cliquetis des verres de whisky, commence par des hésitations : « Un ami à moi, euh, euh… » puis le discours est lancé avec vaillance : Je.
Je suis un médecin, j'ai des penchants masochistes, je suis seul, une femme blanche est venue à moi, impérieuse et souveraine, pour me demander à mots couverts un service, ou plutôt, elle me l'impose.
Au masochiste qui admire le culot de la belle qui lui propose de l'argent pour l'avorter, succède un homme désirant mettre à genoux, maitriser l'orgueil, vaincre par la volupté cette aristocrate anglaise qui a tout prévu, mais pas ça.
Un homme, un vrai.
Alors, la passion délirante le possède, lui, qui n'a pas pu posséder l'autre, doublée du remords de n'avoir pu éviter sa mort, elle qui s'est précipitée chez une faiseuse d'anges locale.
Tous les sentiments se suivent dans Amok :

la haine « entre nous, brusquement, la haine fut nue »,

la colère, le désir, le regret, la culpabilité, enfin la possession par l'amok du narrateur, cette folie ici mélangée à l'amour fou, folie sans issue que d'y plonger la tête la première, jusqu'à la mort.
Amok bien connu des Malais, et qui frappe sous les tropiques -pensons à Kurtz, coucou Chrystelle-sans doute à cause du climat.
Et sans doute (ceci est mon point de vue et je le partage avec moi-même) le passage de l'ex-masochiste au sadique refusant d'aider, de la « bête humaine » comme dit Zweig, puis au nouveau masochiste, sa passion l'entrainant à vouloir se trainer aux pieds de celle qui lui résiste, qui se moque de lui avec un rire hautain, qui froidement le méprise. Comme un chien battu, comme un esclave- et le médecin reconnait son alter-ego dans le boy prêt à mourir pour sa maitresse- sans doute l'amok l'a-t-il simplement aidé, par sa déraison furieuse et bestiale, à redevenir comme il était auparavant : masochiste, jusqu'à la mort.
Zweig avec son phrasé habituel, sa décomposition des sentiments, l'exorbitante passion provoquée par l'amok, nous parle aussi de l'extrême masochisme, cumulé par la promesse du secret.
Inoubliable Zweig.
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