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Critique de keisha


Le français Romain Rolland (1866-1944) et l'autrichien Stefan Zweig (1881-1942) devinrent amis avant la première guerre mondiale, unis par les mêmes idées de fraternité et d'humanisme, et leur correspondance s'est étalée en fait sur trois décennies. Y compris pendant la guerre 14-18.

Tout d'abord, d'où proviennent ces lettres? Romain Rolland sut préserver à la Bibliothèque Nationale de France ses écrits et ceux reçus, quant à Zweig, quand il quitta l'Autriche en 1934, il confia ses archives les plus précieuses à la Bibliothèque hébraïque de Jérusalem.

Sauf erreur, Romain Rolland, prix Nobel de littérature en 1915, n'est guère lu aujourd'hui, alors que sa notoriété et son influence étaient grandes à l'époque de cette correspondance. Zweig était rempli d'admiration pour l'oeuvre et la personnalité de son aîné. D'ailleurs ce volume évoque la mise en oeuvre de la biographie de Rolland par Zweig, par ailleurs traducteur, ou intermédiaire avec des traducteurs ou éditeurs des écrits de Rolland. Durant cette époque troublée (je me focalise sur les années de guerre), de fort nombreuses lettres furent échangées, entre la Suisse où Rolland travaillait comme bénévole à l'Agence internationale des prisonniers de guerre et l'Autriche (là Zweig dut écrire en allemand à cause de la censure) puis la Suisse où séjourna longuement Zweig (qui écrivit dès lors en français). Durant le conflit Zweig travaillait en Autriche au service des Archives. Tant que Zweig demeure en Autriche, les deux correspondants sentent l'impossibilité de s'exprimer clairement sur tous les sujets.

L'amitié entre les deux hommes est admirable, fort rarement ternie au début de la guerre par des nouvelles colportées ("J'écrirai, dans le journal de Genève, ce que je pense du rôle néfaste de la presse des deux pays. Faites de même. Unissons nous pour que la guerre soit du moins sans haine.").
Une fois les faits éclaircis, la douleur de Zweig est terrible."Mon monde, le monde que j'aimais est de toute façon détruit, tout ce que nous avons semé est foulé aux pieds."

Leurs opinions, surtout celles de Rolland, ne leur valurent pas que des amis. Rolland fut fort attaqué, mais reçut le soutien épistolaire fidèle de Zweig.

Au long de ces lettres apparaissent bien des figures intellectuelles de l'époque, là plupart plus trop connues, mis à part Herman Hesse (lettre 144 par exemple), Rilke (Rolland et Gide se sont occupés de récupérer ses écrits importants demeurés en France, à la demande de Zweig) et Pierre Jean Jouve.

Dès le début du conflit Zweig voit plus loin "Je crains que le calme ne revienne pas avant longtemps car la haine survivra à la guerre, elle ne s'estompera point mais se montrera encore plus odieuse qu'à sa fin. Notre combat à nous sera de lutter contre cette haine (...)" Lettre 66, 21 novembre 1914
Tout comme Rolland "J'espère de combattre la haine. J'espère de sauver d'elle tout ce qu'on peut sauver : clarté de la raison, pitié humaine, piété chrétienne (...) Lettre 92, 15 mars 1915

Ce remarquable volume sera suivi par deux autres. Une lecture forte et indispensable.


"Personne ne sait comment finira cette guerre, mais je sais qu'après il y aura la paix, et que le devoir de ceux qui ne se battent pas est de préparer cette paix, et dès maintenant." Lettre 52, Zweig, 19 octobre 1914

"La tragédie juive ne fera que commencer avec la paix. Je ne puis vous en dire davantage mais je vous demande de me faire confiance, croyez-moi quand je vous dis que cette tragédie ne fait que commencer, qu'elle est loin d'être terminée." Lettre 106, Zweig, 13 avril 1915
Lien : http://enlisantenvoyageant.b..
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