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Critique de JeanLouisBOIS


La patte de Zweig.

Stefan Zweig excelle dans les formes courtes de la littérature. Dans cette nouvelle de 70 pages (qui précède la version originale en allemand), il est à la hauteur de sa réputation. Comme il s'agit de la 38ème critique publiée chez Babélio, je vais me concentrer sur ce qui m'apparaît original dans cette histoire.

Il ne faut cependant pas passer sous silence ce qui rattache Un Soupçon légitime à l'ensemble de l'oeuvre du grand écrivain juif autrichien. On a affaire à un récit enchâssé où le début et la fin se rejoignent et qui se développe à partir d'un début banal et réaliste pour évoluer vers une apogée de plus en plus fantastique avant de revenir à la normale. On retrouve aussi un intérêt marqué pour les individus extraordinaires, exubérants dans leurs passions et leur comportement (ici, John Limpley) ainsi que des analyses psychologiques souvent fines et profondes des principaux personnages. Enfin, ce qui ne gâte rien, on ne peut s'empêcher d'admirer un style à la fois fluide et palpitant en parfaite harmonie avec une histoire bien construite et sans temps mort (chapeau au traducteur : Baptiste Touverey).

Mais alors l'originalité de ce livre ? me direz-vous. Elle tient tout entière dans son personnage principal, Ponto. le chien Ponto tient le rôle majeur de cette histoire. En effet, c'est lui qui est le moteur de l'action et pourtant je considère que cette nouvelle ne doit pas être classé comme un récit animalier. Ponto, au cours de l'histoire, est souvent considéré comme un humain, on lui attribue des sentiments et des intentions : orgueil, arrogance, amour de la supériorité et de la domination, jalousie, vengeance, fourberie. Tous ses comportements ainsi que les excès de son « maître » montrent bien que le récit n'a pas une visée réaliste mais bien fantastique, voire allégorique. Ponto me semble représenter le côté animal, instinctif, irraisonné et barbare de l'homme qui vient détruire l'harmonie de la société. N'oublions pas qu'en 1939, l'écrivain juif Stefan Zweig se trouve en Angleterre pour fuir les persécutions nazies et d'ailleurs à la fin de l'ouvrage Ponto demeure bien vivant et inquiétant, il est toujours prêt à surgir et à mordre. Plus profondément, pour Zweig, cette partie sombre de l'homme qui, quelque soit le temps et l'espace, l'époque et le lieu, reste présente, discrètement peut-être, mais jamais éradiquée, demeure toujours prête à resurgir.

Une très bonne nouvelle, peut-être un peu courte mais pas mineure, de Stefan Zweig qui va bien au-delà d'une simple histoire fantastique mais révèle chez l'auteur toutes ses capacités d'analyse dans une période troublée de son existence. La force de ce récit tient bien sûr dans sa portée générale et cette écriture précise et sûre qui nous mène directement à l'essentiel.

Lien : http://www.lecture-ecriture...
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