J'ai eu un peu de mal à rentrer dans ce roman, dont le début est à l'image qu'on se fait de la vie du peuple russe : assez austère. Mais à partir du moment où son personnage principal, Vadim Baranov, rencontre
Vladimir Poutine, le livre devient fascinant. Car si Poutine (surnommé le "Tsar") est un être humain peu recommandable, il est un personnage de fiction passionnant ! L'essayiste italo-suisse Giuliano da Empoli a abordé son nouveau sujet par le biais de la fiction, s'inspirant de Vladislav Sourkov, éminence grise de Poutine, pour créer Baranov, petit-fils de noble déchu, homme de théâtre et producteur à la télévision avant d'être bombardé chef de la propagande par le "Tsar" au début de son "règne". de la Guerre de Tchétchénie à celle d'Ukraine, en passant par les Jeux Olympiques de Sotchi, Baranov raconte son expérience du pouvoir à un narrateur prétexte (qui ouvre et clôt le roman), et à travers lui s'adresse aux Occidentaux, leur permettant de mieux comprendre l'état d'esprit des Russes, leur besoin d'être gouverné par un leader autoritaire, leur rapport au patriotisme (G. da Empoli semble avoir si bien saisi la nature de l'âme russe qu'on a du mal à croire qu'il ne le soit pas lui-même !)... et permet aussi de s'approcher au plus près de l'insaisissable Poutine, pour en essayer d'en dévoiler, sans manichéisme, les motivations, lui qui semble se croire investi d'une "mission" : reconstruire et préserver la Grande Russie. Si le livre se réclame de la fiction, l'auteur est très bien documenté et tout y est vraisemblable (certains traits de caractère machiavéliques de Poutine, comme l'ascendant psychologique qu'il a voulu marquer sur la Chancelière allemande Angela Merkel en lui imposant la présence de sa chienne, alors qu'elle a une peur bleue des chiens, sont véridiques !). C'est enfin une réflexion cynique sur l'exercice du pouvoir. Pas le genre de livres qui vous redonne confiance en l'humanité, mais néanmoins intéressant !