Mon fils, j’ai caché ton enfance dans la grande boîte à biscuits, laquée de noir et couverte de pensées.
Et cette boîte, mon fils, je l’ai emportée avec moi, quand les Allemands sont venus me chercher.
Le souffle
Toi seule conduit ma plume et dit ce qu’elle doit écrire, la grotte ou le plein ciel, l’amour ou la cité, l’horreur ou le silence.
Serai-je finaud ou indigné, serein ou furieux, drôle ou douloureux, médusé par un charme ou charmeur de serpents ?
La route sera-t-elle droite, creusée d’aléas, ou en quelques secondes, vivrai-je au paradis, entouré d’un harem ou étreint par une seule ?
Je te cherche partout et nulle part ne te trouve, je parcours le monde, et tu es là sous mon nez, au beau milieu de la page.
Déjà je m’efface, déjà je m’évanouis, le bipède impérieux n’est rien en ta présence, je plonge à ta suite, toi, évanescence.
Une rue provisoire :
Dans cette vieille rue sans rime ni raison, presque provisoire, un chat fond doucement dans le flou de la façade.
Pas une âme ne rompt le silence des portes, seules venant d'en haut la chanson des cerises et l'odeur des confitures.
Une fillette débouche en vélo et vous dévisage de ses grands yeux, dont on a peur de troubler l'innocence.
La paix de la rue est une tisane bienfaisante qu'un vieillard assis sur le seuil boit dans un bol bleu.
Le chat est dans le mur, la petite fille sur le vélo, le nez du vieillard dans la tisane et la chanson dans l'air à la ronde.
Il fait doux et silencieux dans cette vieille rue où le soleil et l'ombre se font des confidences.