Valentin le Désossé
Pièce de
théâtre de
Claude-André PUGET réalisée pour la
télévision par François GIR sur la pittoresque figure de Valentin le Désossé, célèbre danseur et contorsionniste du bal du Moulin Rouge. Ce clerc de notaire tranquille qui pendant vingt ans n'a lâché ni les dossiers poussiéreux de son étude, ni la petite bourgeoise qu'il a épousée, file un beau jour vers les flons flons et...
Perrine.- Mais, à la fin qui êtes-vous, mon frère ?
Thimothée, déclamant.- "Bien fendu de la gueule, et beau dépescheur d'Heures, beau desbrideur de messes, beau décrotteur de vigiles, et, pour parler sommairement, vrai moine si oncques en fût depuis que le monde moinant moine de moinerie".
Rabelais, ma chère, Rabalais. Il faut toujours en revenir à lui.
Perrine.- Comment l'appelez-vous ?
Thimothée, en buvant.- Lisez-le, ma charmante. Je ne saurai trop vous le conseiller.
Il n'y a pas de lecture plus saine après les Écritures...
Lorsque le rideau se lève, la scène est vide. Mais, tout de suite, et ce pendant que l'heure sonne au clocher d'une église voisine et qu'on entend, venant de la rue, la voix d'une poissonnière ambulante qui appelle ses chalands :
"Allons ! les dames d'en haut ! v'là la marchande de gros poinclos ! allons les dames des rues ! v'là la marchande de crabes velus !"
On voit apparaître sur le palier un garçon de treize à quatorze ans, vêtu d'une vieille culotte rapiécée, d'une chemise en loques, d'une ceinture en laine de couleurs, coiffé d'une espèce de bonnet et nu-pieds.
Du seuil, avec précaution, il jette un regard dans la pièce, constate qu'elle est vide, entre, et, dès lors, tout ce qu'il y découvre le plonge, semble-t-il, dans l'étonnement le plus admiratif.
Il touche avec délicatesse les meubles, les tapis, les bibelots, comme s'il les caressait.
Puis il va vers la porte de droite, second plan. Même jeu que précédemment.
Rassuré de ne voir personne, il entre dans la chambre.
Dès qu'il a disparu, un bruit de pas dans l'escalier, et Perrine entre, portant un plateau chargé d'une assiette de viandes froides, de pain, d'un pichet de cidre et d'un gobelet, qu'elle va poser sur une table....
Nous sommes à Saint-Malo, en l'an de grâce 1666.
Le "salon de compagnie" au premier étage d'une maison qui forme hôtel particulier.
Ameublement disparate, mais qui témoigne d'une assez grande opulence.
A gauche, une porte-fenêtre, ouverte au lever du rideau, donne sur un balcon qui surplombe la rue et d'où l'on aperçoit la mer, assez loin.
Au fond, une haute porte à double-battant, également ouverte au lever du rideau, donne sur le palier de l'étage.
A droite, deux portes, l'une au premier plan, fermée, l'autre au second, ouverte.
Aux murs : des portraits de famille, des armes.
Bahuts, tables, fauteuils, chaises et tabourets.
Un matin ensoleillé de la fin du mois de juin.....