En s'emparant de la Sibérie, les Russes n'en ont pas seulement soumis les habitants primitifs : Tatares, Volugues, Ostiaks ou Samoyèdes ; non contents de leur enlever leurs terres fertiles, leurs rochers riches en mines et en marbres, leurs forêts d'arbres séculaires et leurs fleuves poissonneux, ils ont poussé peu à peu une partie de ces races déshéritées vers les steppes salines de la Boukharie ou les inhospitalières montagnes de l'Altaï.
Marpha n'était qu'à quelques pas du guerrier ; elle recula en poussant un cri d'effroi car, à la lueur phosphorescente d'un éclair, elle venait de reconnaitre Evour.
A ce cri répondit le beuglement de la conque du roi des lobets qui, dans son manteau rouge flottant au vent et les bras menaçants, s'avançait vers le chasseur.
Evour était le plus brave guerrier des Ostiaks, mais il se souvenait que, le matin même, il avait porté une main sacrilège sur l'arbre aux offrandes, et à l'apparition du dieu irrité, prêt à le saisir, il poussa un rugissement de terreur et, s'élançant d'un bond au bas du rocher, il se mit à fuir, éperdu, hors de lui, se heurtant aux pierres et aux rochers, croyant toujours sentir la main vengeresse s'appesantir sur sa tête coupable.