DANS UN BAR
Dans un bar où tous les argots
Retentissent dans la fumée
Qui monte en flocons de mégots,
Je pense à toi, ma bien-aimée.
Devant le comptoir d'acajou
Un jockey depuis longtemps ivre,
Grimaçant comme un sapajou,
S'agrippe à la barre de cuivre.
Les glaces mêlent sur les murs
Des reflets vifs, des ombres lentes,
Et j'imagine tes yeux purs
En buvant des boissons brûlantes.
Je feins de somnoler exprès,
Pour rester seul avec mon rêve,
Loin des visages empourprés
Dont la laideur hurle sans trêve.
Et, juché sur le tabouret
Qui me grandit et qui m'isole,
J'évoque un bonheur qui serait
Sans mouvement et sans parole.
(Délices des mourants.)
Les trois actes se déroulent à Liserac, non loin d'Avignon, dans la salle à manger du docteur Gadarin, entre 9 heures du matin et 3 heures de l'après-midi, aux approches de l'été.
Zulma, vérifiant le carnet de dépenses d'Ursule.-
Décidément, ma bonne Ursule, vous serez toute la vie en bisbille avec l'orthographe !
Ursule.- J'inscris ce que j'entends !
Zulma.- Pas même ! Car je me refuse à croire que vous avez dépensé douze francs pour nous empoisonner hier au déjeuner !
Ursule.- Pour vous empoisonner ?
Zulma.- Lisez vous-même : poison, douze francs !
Ursulme, rectifiant.- Poisson !
Zulma.- Le poisson a deux S comme l'oiseau a deux ailes !
Ursule.- Mes parents ne m'ont pas envoyée dans les écoles, jusqu'à douze ans, comme les filles de riches !.....