Chaque jour, chaque minute, te maintenir afin de ne pas finir dans cette autre prison, terrible et définitive. I'hôpital psychiatrique. Entendre les voix des hommes qui hurlent, celles des femmes qui supplient, voir cette mère à qui l'on arrache son fils, cette grand-mère que l'on traine à la salle de torture, encourager ta voisine de cellule à ne plus gratter l'eczéma géant qui la dévore... Et toi-même, ne pas céder. Ne dévoiler aucun sentiment, sinon l'ennemi a gagné. La prison t'enferme dans tes pensées, le temps charrie tes souvenirs, tes attachements, ton enfance. La peur rôde. Tu sais alors que tu as trouvé ton ultime adversaire en toi-même et qu'il te faut encore te dépasser, pour retrouver ta liberté. Encore une fois, résister...
Au bout de deux semaines, une gardienne de passage dans ma cellule pour y déposer mon écuelle éprouve quelque difficulté à retirer les menottes. Je lui dis avoir une autre solution : faire passer mes mains devant moi. Incrédule, elle me demande de lui montrer. En quelques mouvements, je m'exécute. Je sais qu'Abou Nabil risque d'être aussitôt averti mais je veux lui montrer que je ne flanche pas. La même nuit, je reçois la visite de Ouaël. Abou Nabil a décidé de me faire entraver dans une position particulièrement inconfortable : cheville droite et poignet droit.
Tu es contente ? c'est mieux maintenant, me jette, goguenard, mon tortionnaire avant de tourner les talons. Je m'efforce de lui répondre par un sourire.
Dans la mêlée, j'ai perdu le plombage d'une dent. À quatre pattes, je tombe par hasard dessus, ce qui me fait sourire malgré les circonstances.