Non, je ne l'ayme point ceste carcasse d'os,
Qu'on ne m'en parle plus, quoy qu'il y ait du lucre,
J'ayme autant embrasser l'image d'Atropos,
Ou me laisser tomber tout nud dans un sepulchre.
Dés la premiere nuict de nos embrassemens,
J'imaginay sa chambre estre un grand cimetiere
Son corps maigre sembloit un monceau d'ossemens,
Son linceul un suaire et sa couche une biere.
"Contre un Dame trop maigre"
Hélas ! qu’est-ce de l’homme orgueilleux et mutin
Ce n’est qu’une vapeur qu’un petit vent emporte
Vapeur, non une fleur qui éclose au matin,
Vieillit sur le midi, puis au soir elle est morte.
Une fleur, mais plutôt un torrent mène-bruit
Qui rencontre bientôt le gouffre où il se plonge
Torrent non, c’est plutôt le songe d’une nuit,
Un songe ! non vraiment, mais c’est l’ombre d’un songe.
Encor l’ombre demeure un moment arrêté ;
L’homme n’arrête rien en sa course légère,
Le songe quelquefois prédit la vérité,
Notre vie est toujours trompeuse et mensongère.
Maint torrent s’entretient en son rapide cours,
On ne voit point tarir la source de son onde,
Mais un homme étant mort, il est mort pour toujours
Et ne marche jamais sur le plancher du monde.
Bien que morte est la fleur la plante ne l’est pas,
En une autre saison d’autres fleurs elle engendre :
Mais l’homme ayant franchi le seuil de son trépas,
Les fleurs qu’il nous produit sont les vers et la cendre.
Aussitôt que du vent le bourrasque est passé,
La vapeur se rejoint étroitement serrée,
Mais quand la pâle mort son dard nous a lancé,
Notre âme est pour longtemps de son corps séparée.
Qu’est-ce de l’homme donc qui tant est estimé,
Ce n’est rien puis que rien si léger ne nous semble,
Ou si c’est quelque chose il sera bien nommé
Vapeur, fleur, torrent, songe, ombre, et rien tout ensemble ?