Après tout nous sommes bien en France, au pays de la Révolution. La France est le pays de la Révolution et quelque chose de plus. Vous allez dire que j'exagère (…), [En mai 68] j'ai vu, les professeurs ont vu devant eux, dans les amphis de Censier, ce qu'a dû faire le peuple de Paris en 1789. Nous avons vu la jeunesse improviser d'elle-même, sans rien savoir. Aller jusqu'à improviser un Parlement, retrouver les usages parlementaires, former le bureau, l'assemblée, les points d'ordre. J'ai encore en mémoire ce qu'ils construisaient à ce moment-là, l'ordre qu'ils instituaient dans la révolution, un ordre révolutionnaire. Un peu comme en 1789. Après tout, c'est toujours la même jeunesse. Cette remise en question est inscrite dans l'inconscient collectif. C'est quand même un grand pays, la France. Elle est pleine de grands souvenirs. Je suis assez Français pour les ressentir profondément comme s'ils étaient une partie de moi-même, et assez étranger pour les ressentir comme un spectacle, une représentation. Comme des choses qui ne coulent pas de source. La France a beaucoup apporté à l'Europe. Et même à la Russie. Vous savez sans doute que la Marseillaise a été pendant très longtemps un chant révolutionnaire. Que les condamnés à mort la chantaient avant d'être pendus par le bourreau du tsar. Nous avons vu et compris à nouveau quelque chose de la France en 1968.
56 – [Qui suis-je ? n° 6, La Manufacture, p. 72]
Le Je-ne-sais-quoi et le Presque-rien. Tome I La Manière et l’occasion.
[…] ce qui dit est encore à redire ; ce qui est dit reste à dire comme si jamais personne au monde ne l’avait dit, comme si celui qui disait la vieille nouveauté de toujours la disait le premier pour la première fois ! En dépit du principe d’identité, le dictum n’est pas un dictum, le dictum est un dicendum et le reste éternellement. L’indicible surtout est une invitation à dire et redire sans cesse, un appel toujours renouvelé à la communication.
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