« Ô combien il est admirable, pensait-elle en sautillant avec une exactitude affectée, d'une position extravagante à une autre, que cette vague d'humour quintessencié, exprimé par un symbole presque dénué de sens, en arrive à pénétrer différemment chaque mentalité ! Et comme une aiguille de radium, elle désintègre chacun de ces agglomérats cancéreux que forment les expériences, pour les transformer en rire divin, en chaos vierge.
« L'un – songeait-elle encore, tout en évoluant sur un pied avec l'air de faire un effort consciencieux –, l'un pensera à sa carrière, l'autre peut-être à son amour ou à son dieu. Le rire et la jeune beauté vont se fondre pour créer la seule eau régale qui puisse dissoudre ces illusions dorées.
[…]
« Que Dieu bénisse mon cher M. Fatigay, murmurait-elle essayant avec difficulté des jetés-battus, pour m'avoir dégagée ainsi de mon romantisme de quatre sous, si dénué d'art que si j'avais été attifée selon mon idée première, je me serais tout u plus reflétée, brillamment peut-être, dans la conscience superficielle de mes spectateurs ; tandis que maintenant je brise en éclats cette première conscience, je projette une lumière claire et amère sur les profondeurs obscures qui gisent au-dessous. Comme ils vont m'aimer tous ! » (pp. 84-85)
« On dit parfois que le sentier de l'amour est sinueux mais en tout cas la route de l'amour déçu est droite comme une route romaine. À l'instant d'une désillusion, c'est un brasier incandescent qui couve à la place du cœur, et la victime s'élance en avant sans prendre garde aux obstacles, emportant avec elle, comme une vache qui a une épine sous la queue, le fiel qui l'empoisonne et auquel elle croit échapper par cette fuite insensée.
Quand la poésie nous aura complètement civilisés et nous aura jetés comme par accident dans ce paradis où la vision réelle et la vision choisie ne feront qu'une, où la peine et le plaisir ne seront plus séparés arbitrairement par la superstition comme le furent un jour le bien et le mal, nous trouverons alors dans cette ardente poursuite de la délivrance un plaisir plus vif que n'est maintenant le plaisir associé à l'amour heureux. » (p. 47)
Le monde qui s'étalait ensuite devant elle était illuminé par Tennyson et Bernard Shaw, la poésie du XIXe et Michael Arien, et pis qu'eux tous réunis, par l'amour.