Hubert Michel : Requiem pour une huitre
C'est depuis la Fondation Cartier pour l'
art contemporain, qu'
Olivier BARROT présente le livre de
Hubert MICHEL "Requiem pour une huitre" (le Dilettante). Ce premier
roman conte la relation entre deux individus, des goûts partagés et par dessus tout la même
folie des huitres.
Une boulangerie est une bibliothèque. Les pains rangés, des livres classés. Il y en a pour tous les goûts. J'ai toujours perçu le côté voyou de la baguette. Elle évoque le polar. Simple, direct, populaire, on est tout de suite dans le vif du sujet, inutile d'épiloguer. [...] Le pain de campagne serait un roman de terroir et le noir un récit macabre, la couronne un livre d'Histoire, le pain individuel une nouvelle. Le défaut de croustillant assimile le pain de mie au roman commercial et sans relief. [...] Le pain viennois est une tendre fable pour enfants, le pain d'épice un conte cruel. Enfin, le pain complet fait le tour de la question.
Si je ne conçois pas mes repas sans pain, je n'entends pas ma tartine sans beurre. Le mariage d'une mie moelleuse ou grillée avec cet or onctueux suffit à mon bonheur déjà contenu dans l'opération consistant à étaler celui-ci sur celle-là. Pas n'importe comment. Il doit être couché avec grâce. J'aime à peaufiner ce geste et l'observe en douce chez les autres. El est révélateur de savoir-vivre. Un signe d'élégance. On en a ou pas. Dieu, à l'instar du diable, est dans les détails, dans la tenue et la manipulation du couteau à beurre.
Il était une fois, en Ille-et-Vilaine, une femme qui confectionnait les meilleures galettes saucisses du pays gallo, donc de la planète. Les fées bienveillantes du cochon breton et de la farine de sarrasin réunis s'étaient penchées au-dessus de son berceau, du sang de druide coulait sans doute dans ses veines.
Il y eut les événements de Mai 68 dont je suivais les péripéties à la télé. Dans ma bouche, une sucette en forme de langue accompagnait ma prise de conscience politique. D'autres emplissaient la ceinture cartouchière de cow-boy de mon dernier Noël et, dans un sachet en papier kraft, une réserve se nichait dans le holster en plastique. Paré à tout et prêt à dégainer, j'étais mollement avachi dans le canapé en Skaï du salon devant les actualités su midi puis celle du soir de la première et unique chaîne.Entre-temps, je ne faisais rien.