« Ces derniers mots, accentués, imprimèrent un goût amer dans la bouche du conseiller. Il délaissa cependant avec une moue dédaigneuse son interlocuteur en dépit de son incertitude quant à la portée de cette terrible insistance. Suspectait-il seulement le coup roué qu’il s’apprêtait à lui asséner ? Guère probable, à moins que le mercenaire ne lui eût tout dévoilé en échange d’une somme rondelette. Le bureaucrate inspira à poumons déployés, puis déglutit. Ce retournement de situation l’avait assurément ébranlé, pourtant il se refusa à plonger plus avant dans quelque élucubration insensée. Derechef, il s’empara de son mouchoir pour éponger la sueur à son front, mais se montra impuissant contre les aigreurs qui harcelaient son estomac. Le moral assombri, les entrailles révulsées, il se hâta d’emprunter les escaliers, non sans éviter le parloir, là où la clientèle de la Ghilde mercantile s’entassait chaque jour afin d’obtenir un rendez-vous.
Fier de son office, par amour du gain aussi, Aurul Arléanr sourit. Constance et ténacité lui avaient permis d’accéder à la charge de conseiller, or, son ambition dévorante l’amenait à briguer le prestigieux poste d’intendant du corps des merciers. Au nombre de six, chacune de ces jurandes gouvernait une facette du commerce, à l’exception des métiers liés au droit de banalité. Et si Aurul recourrait à certaines ententes guère louables pour assurer son investiture, l’un de ses pairs, cet arriviste de Dural Morisarn, lui posait quelques désagréments.