J’aurais été incapable de transcrire mon ressenti de cette manière, si mon parcours avait été différent. On ne peut pas sans conséquences et sans séquelles refermer le couvercle sur ce qui nous blesse et nous dérange. Se raconter tel que je l’ai fait peut paraître impudique. J’en ai pleinement conscience. Je ne considère pas ce bilan de ma vie comme un règlement de comptes. Il m’a permis de tout remettre à sa juste place, et je l’espère de moins hanter mes nuits. Cette libération par la parole, je souhaite pouvoir en faire partager l’importance à celles et ceux qui pourrait en avoir besoin, aujourd’hui ou demain. J’aurais dans ce cas modestement contribué à apporter ma pierre à l’édifice.
Certains arbres de montagne sont courbés par la neige dans la première partie de leur croissance. Ils gardent cette déformation, même s’ils finissent par se redresser et se tourner enfin vers le ciel. Il en est de même des arbres du littoral exposés aux vents dominants sur la côte atlantique.
En ce qui me concerne, je ne sais pas si ces épreuves, subies au cours de mon enfance, se sont traduites pareillement par quelque chose que l’on pourrait qualifier de « scoliose psychologique ». Je ne saurais dire combien de temps cela a pu déformer ma personnalité, mais ce dont je suis certain, c’est que cela a forgé en moi certains traits de caractère.
Nous répondons avec nos forces et nos faiblesses aux stimuli qui constituent notre vie, les bons comme les mauvais, d’ailleurs qu’est ce qui pourrait faire qu’un stimulus soit bon ou mauvais, si ce n’est notre ressenti, en fonction de ce qui nous a blessé ou structuré. La normalité en psychiatrie ne veut pas dire grand-chose, il n’y a pas de norme étalon qui déterminerait qu’un individu soit normal, cela ne voudrait rien dire.
Nous souffrons de ce que nous sommes devenus. Ce n’est pas une volonté délibérée qui nous a conduit là où nous en sommes, mais un lent processus qui s’est accéléré ces dernières décennies, qui fait que tous les feux passent au rouge et quoi que nous fassions ou entreprenons, nous avons la sensation de faire face à des impasses : impasse économique, impasse sociale, ou impasse climatique et environnementale.
De Pacifique, d’Atlantique, d’Arctique, les mers deviendront Plastiques. L’oxygène contenu dans les embruns, dans le vent des vallées de montagnes, se raréfiera et se vendra en bouteilles que seuls, les plus fortunés pourront s’arracher à prix d’or.
La jungle verte primale, qui a vu naître nos très lointains ancêtres, ensevelie sous des couches de bitume et d’asphalte, renaîtra sous une autre forme.
Pourquoi sommes-nous attachés à donner un sens à notre vie ? C’est le seul moyen dont nous disposons pour accéder à un peu d’immortalité. Alors si des grands hommes ont laissé une empreinte forte dans l’histoire, nous essayons chacun à notre propre niveau de laisser quelques traces à notre descendance.
La vie est un miracle, qu’on soit croyant ou non croyant. Quand on se penche sur le nombre de hasards et de circonstances qui ont amené nos parents à se rencontrer et à s’aimer, le fait pour nous d’exister tient du prodige ou statistiquement du résultat du loto.
Je me devais d’accomplir un travail préalable : me raconter, sortir ce qui était en moi et qui occupait trop de place. J’ai alors parcouru les chemins de l’imparfait, pour renaître au présent, et un matin, ma main s’est réellement posée sur l’horizon….
Je n’ai pas eu une enfance dorée, ni une enfance martyrisée, car malheureusement il y a tellement pire. Néanmoins, mon père ne m’a pas permis de goûter à l’insouciance, qui est une des principales caractéristiques de l’enfance.
Je répugne à étaler ma peine au grand jour. Sans doute un stigmate de mon enfance, où je masquais mes sentiments, me forçant à faire toujours bonne figure.