Vœux
PRINTEMPS I
La saveur d’une saison
Le faire-part du printemps
Tel est le désir qui m’emplit
De son parfum
Et tout me revient
La mémoire les ciels
Pour m’emporter enfin
Vers un au-delà sensuel
Et vers ce ciel dont l’évidence
anticipe une parole
où se risque la tendresse
Un pressentiment de ruisseau
dilate son espace.
[21 février, 3-4 avril 1994]
//NIMROD (07/12/1959 -)
D’un jardin de pierres
car il ne faudrait pas oublier les pierres
écouter celui qui les connaît
qui vous dira qu’elles vivent
qu’elles respirent
c’est une autre science
qu’on loge au creux de la paume
sur le rebord d’une fenêtre
d’un muret au fond de la poche
comme les étoiles
on ne doute pas qu’il s’en trouve une
à soi
(Anne Brousseau)
MES OMBRES
Extrait 2
Du sursis de vivre, elles ombres se déshabillant en maillot
D'homme ou de femme, avant, pieds nus, d'aller à l'oblique
Se plonger aux vagues tandis que des toiles d'enfant conduites
Du poignet s'élevaient très haut au-dessus d'elles, jouant
À des jeux avec l'impalpable, et puis, baissant les yeux
À nouveau vers les rides du sable et les chenaux en miniature
Où l'eau refluait en bouillonnant, je ne les ai plus vues
Tout à coup, comme désailé d'eux, mais sans l'à vif d'une
blessure,
Courlis esseulé en déguisement d'homme me redressant
Sur mes échasses j'ai attendu, oreilles au vent, le retour de
leurs voix,
Vainement, mes ombres avaient quitté à nouveau l'enfance
De leurs ébats réels pour se réfugier dans une source
Connue d'elles seules, où la lune n'exerce plus d'influence,
Où les chars à voile s'appellent peut-être même chairs à voiles
Qui glissent non plus latéralement mais dans la profondeur,
De l'arrière vers l'avant, recoupant quelquefois nos dimensions
//Jacques Darras ( 11/12/1939 - ).
MES OMBRES
Extrait 1
Cependant que la mer s'occupait à découvrir les bouchots,
Ces armées moussues moulues régulières ne respirant bien
Qu'amphibies, j'ai traversé la plage en solitaire, courlis
Éloigné, pour me poser, m'allonger au pied d'une touffe d'oyats,
Herbe gratuite en apparence mais dont les tiges vissent
La dune à son socle, j'ai accordé mes yeux à l'étendue, oreilles
Bruyantes de la basse marine continue, l'orchestre
Cymbales et peaux tendues qui ne parlent de lune et ses marées
Qu'avec la ponctuation comme si la phrase, dans l'univers,
Était superflue, j'ai convoqué mes ombres, mes chères ombres,
Elles sont venues à mon sifflet d'oiseleur ultra-son, elles
M'ont parlé de leur voix grêle frêle d'ombres-nuages de chair
Comme glissant dans un ciel d'entre-deux, se parlant entre elles
D'un langage humain quotidien prolongé, moi pleurant
Des larmes de bonheur invisibles à les regarder s'ébattre
Comme si de rien n'était, que ce fût jour ordinaire, prolongation
…
//Jacques Darras ( 11/12/1939 - )
ADIEUX AU MERLE
Voyez-le sur la faîtière en tuile noire comme un accident
de cuisson générale dans le soleil couchant, sculpture
éphémère dépassant à peine, qui s'applique à sa flûte
bec tendu obliquement vers la voûte, ne cherchant pas
l'inspiration il la sent qui traverse son corps sa gorge,
c'est l'émotion tout entière du cosmos qu'il retranscrit
ponctuellement telle qu'elle chemine en lui soliste
sur l'avant-scène, dites un peu la confiance qu'il y a dans l'adieu
du merle, le soir, n'est-elle pas d'une touchante simplicité
comparée au cillement mécanique que le sommeil fait avec
nos yeux partout les oiseaux improvisent leurs prières à
l'église naturelle du jour, nous seuls rentrant dans nos absides
d'absence nous tournant vers la nuit oculaire du dedans
comme s'il y avait autre chose que l'avenir immédiat de la lumière
dont s'occuper --- pourquoi ne sommes-nous pas chanteurs nés ?
//Jacques Darras ( 11/12/1939 - )