Elle saisit son portemine pour tenter de capturer au gris leurs tableaux vacillants, mais elle n'arrivait à tracer aucun mot, l'air manquait à l'exécution.
L'important, elle découvrait, avec cet état, n'était plus le décompte des obsessions bizarres de Marc et l'étude de leur genèse, de savoir s'il s'agissait d'une vaguelette unique ou d'un train de vagues en rouleaux, d'un grain momentané ou d'une tempête partie pour durer; ni d'établir une ligne temporelle permettant la comparaison de son quotidien à une quelconque normalité passée; ni même de chercher des réponses dans des vérifications ou des contre- arguments à ce que pouvait dire son mari. L'important était d'acquiescer sans même avoir à penser.
Elle bouillonnait depuis tant d'années, avec le temps elle avait l'impression d'avoir fini par lâcher les balises au format publicitaire, malgré son éternelle retenue, et s'épuisait de ne pas être entendue, elle en était violacée de crispation, mais elle n'interviendrait pas dans le bonheur des au autres, non, surtout celui de sa fille.
Toutes ces semaines sans son casque avaient cumulé un ensemble désuni de gesticulations, indéfinies et mal cadrées, une ardoise du monde extérieur griffée de craie qui nécessitait paiement, une catharsis longue et intense; il lui avait fallu au moins deux heures pour mettre tous ses souvenirs en musique.
Avant, le parquet faisait un accueil neutre et sans malveillance au regard d'Annah. Il était seulement devenu naturel de le regarder sans discontinuer, par obligation ; les yeux bleu laiteux de Marc, son mari, avaient fait ployer la nuque d'Annah comme un sac trop chargé finit par faire vouter.
Dans les pires tourments de l'impasse, il y avait toujours le retour en arrière, l'abandon de la raison.