La destruction simulée sur la scène de l'Opéra de Paris, un soir paisible de 1910, contient-elle les présages d'un monde de guerre à venir, d'immenses champs de bataille couverts de silhouettes tombant en vrilles, dans les affres de la mort, sous les effets des gaz, ces nouvelles armes chimiques ?
Dans les cultures anciennes, on enterrait les morts avec les instruments de musique les plus raffinés, destinés à rendre agréable dans l'au-delà, une vie sans fin, par la douceur d'une mélodie ou la cadence d'une harmonie inouïe qui guiderait les pas invisibles des êtres désincarnés au long d'un labyrinthe souterrain. On plaçait les instruments soigneusement sur le corps, sur le coeur. On scellait le tombeau à une autre fin : empêcher l'âme libérée de toute pesanteur de s'élever, de devenir spectre, esprit, et de retourner dans le monde, des vivants.
Elle était née artiste. Elle avait mené le bon combat ; elle avait achevé son œuvre. Elle s'était prêtée à son art. Elle avait tant exprimé. Elle avait atteint le pinacle de son art, toujours courageuse, toujours brûlante, passionnée, un brasier d'espoir, une conscience toujours éveillée. Elle s'efforce de trouver la vérité ; l'insatisfaction demeure en elle, elle reçoit un guide, elle est alors mue pour un nouvel effort. Des portes s'ouvrent et révèlent quelque chose qui brille en son fort intérieur.
Ida Rubinstein avait incarné, dans ses rôles, les grands chercheurs de l'amour et du sacrifice. Ces rôles furent, dans sa vie personnelle, une préparation, un élargissement des visions de son âme.