Dyane

— C'est bon ! Laissez-moi, mais vous avez tort, gronde-t-il en fixant Draelion peiné.
Je m'élève, lévite sous les commandes du sorcier et soulève la pierre sacrée qui tournoie de plus en plus vite. Des traînées lumineuses, suivies d'étincelles de petites flammèches jaillissent de toutes parts. Encore une fois, il me guide, mais semble perturbé par la dimension de mon pouvoir. Un tourbillon se crée et ils se couchent tous à terre pour éviter d'être emportés par la violence du vent. Mon fantôme s'efforce de trouver un endroit où envoyer cette puissance peu commune. Il repose la Pierre sacrée. Ses pensées sont les miennes et je comprends soudain qu'il va projeter cette immense force vers la carrière. Une explosion se fait entendre et des milliers d'oiseaux s'envolent au loin en piaillant, dans des directions opposées.
Matt cherche la cause de cet incident :
— Que se passe-t-il ? Est-ce toi Luna ?
Désorientée, j'avoue :
— Moi ou Merlin. Il m'aide… Ne t'approche pas. Je ne me contrôle pas.
Ils se relèvent tous quand le phénomène cesse. Norah s'exclame, interdite :
— Comment est-ce possible ?
Mon public me dévisage, étonné.

Je me concentre sur le moindre de ses mouvements, et essaie de trouver le moment stratégique pour intervenir. J'envoie à la fois feu et glace, et réussis finalement à le coincer près d'un chêne. Je touche ce dernier, il délie ses branches, elles s'entourent autour de ses poignets et ses chevilles, il est enfin à notre merci. Matt profite de l’occasion, mais la pierre de pouvoir s'illumine et prend le relais de ses bras. Les deux forces identiques s’interposent dans une lumière éblouissante et aveuglante.
Darlun réussit à libérer une de ses mains et m'envoie un éclair. Incapable de voir son action à cause de l'intensité des rayons, je reçois l'assaut de plein fouet et m'écroule au sol. Matt, qui est à l'opposé, assiste horrifié à l'attaque portée contre moi.
Il hurle, quand je m'effondre :
— Luna !
De rage, il augmente son pouvoir, l'enchanteur se concentre ainsi uniquement sur lui. Je tente de me relever, le coup m'a durement ébranlée, une douleur intenable me martèle la tête.
Je touche mon front et fixe ma main, désormais couverte de sang. Mes petits compagnons sont épouvantés, ils n'ont pas pu visualiser l'attaque du sorcier, et opposent, à présent, le bouclier en permanence.

Je le regarde, désespérée, je souffre de lui infliger cette mission, mais il est nécessaire que je protège les autres personnes de mon éventuelle nocivité.
- Je ne peux pas.
Il secoue la tête. Sa déchirure et sa peine me secouent, elles me brisent aussi, pourtant je persiste.
- Matthew, tu es médecin, tu connais sûrement un moyen sûr de me faire partir sans douleur. Qui sait quels dégâts provoqueraient mes nouvelles facultés entre les mains d’un être malveillant !
Il ferme les yeux. Je lui caresse les cheveux, l’étreins tendrement.
- Si tu ne le fais pas, je refuse d’aller là-bas et de perdre le contrôle ! Je préfère… nous tuer toutes les deux !
Ma dernière phrase, je la souffle plus que je ne la prononce. Il se redresse et m’embrasse. Après un moment qui me semble une éternité, j’entends résonner au plus profond de moi-même.
-Je te promets de le faire Luna, mais seulement si…

Les images s'extirpent du livre et nous nous retrouvons à l'intérieur des salles du palais aux côtés d'Ether. Il n'a pas changé, toujours aussi jeune, mais habillé différemment. Sa tenue est d'un blanc immaculé. Il porte deux épées fines et toutes ciselées qui s'entrecroisent derrière son dos. Des rideaux transparents flottent au vent et un merveilleux parfum de fleurs variées nous parvient. Un écrin de verdure entoure ce joyau qui brille de mille feux. Des cascades immenses chantent et les arbres se balancent doucement au gré d'une brise légère. Nous voyons la Reine Ama se blottir avec amour contre son mari et admirer l'étendue bleue qui miroite au soleil. Elle caresse son ventre arrondi et sourit au Roi.

Au moment même où j’atteins l’autre extrémité, j’entends un bruit de cailloux qui roulent. Je me retourne et je constate horrifié la situation. Malicia a dérapé et s’agrippe en criant.
- Dylan ! Aide-moi !
Je me couche sur le rebord et attrape son avant-bras. Quand vous voyez les films, ils rattrapent l’autre et hop le remette sur pied. Moi, au contraire, je glisse doucement, mais surement la rejoindre vers une issue fatale.
- Tu vas tomber, je suis en train de t’emporter ! Trouve où te raccrocher !
Facile à dire, il n’y a rien, nous sommes sur une plateforme totalement vide !
Je tends mon autre bras et la saisie à deux mains. Mon corps continue de glisser. Je suis irrésistiblement attiré par le grand vide...

Au-dessous de nos pieds, une agitation nous alerte de nouveau. Nous voyons alors émerger d'immenses tentacules. Nous plongeons pour éviter l'attaque... et là... nous apercevons une masse orange foncé, avec deux énormes yeux et un bec. Ses bras munis d'une multitude de ventouses se déroulent pour se saisir de nous. Elle nous scrute avec intelligence, puis ses langues s'enroulent autour de mon bassin, et je frémis, horrifiée, à sa merci. Je me débats et Matthew se rue contre l'animal qui ne bronche même pas. Il tente de desserrer son étreinte avec toute l'énergie du désespoir. Le poulpe, imperturbable, s'empare avec dextérité de mon âme sœur, puis sans crier gare, s'extirpe de la cavité, pour sûrement nous déguster dans son antre. Sa vitesse est telle que je ne réalise pas tout de suite que nous remontons vers la surface de l'eau...

" Faites que le rêve dévore votre vie afin que votre vie ne dévore pas votre rêve... "

Enagrom me regarde en riant et passe sa main le long de la joue de mon âme sœur qui se laisse faire, puis elle l'embrasse fougueusement. Je crie de rage, mais Matt ne m'entend plus, et répond passionnément à cette horrible séductrice. Merlin me pince l'épaule et détourne mon attention en m'intimant par la pensée de récupérer le cristal avant elle. Je prends sur moi, puis m'en empare d'un geste, tandis que Merlin le dissimule dans son ample manteau. Nous décidons d'agir ensemble pour retirer le terrible envoûtement pesant sur Matthew. Pour cerner cette diabolique personne, je lui demande, d'un ton douloureux…

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"Devant leurs yeux horrifiés, la source de chaleur caresse tout d'abord les pieds de Luna et s'anime de plus en plus intensément. Les flammes l'entourent, dansent autour d'elle. Bizarrement, Merlin doute... Lui qui souffrait peu de temps avant, commence à comprendre que cet élément obéit à son amie. Le brasier redouble de violence, et cette intensité les surprend tous. Cet embrasement n'est pas naturel, il semble s'échapper de son corps. À présent, c'est évident, l'enchanteresse maîtrise totalement le phénomène. Comme pour confirmer ses pensées, un immense Phœnix se déploie, bienveillant, chaud et fascinant. Peu de temps après, Merlin perçoit une haine violente, assassine. L'oiseau de feu se recroqueville sur lui-même et se transforme progressivement en un dragon terrifiant et destructeur. Ses yeux, rouge intense, aux reflets orange, balaient l'assistance qui hurle de peur. Quand il s'élève, des boules de feu jaillissent de sa gueule, et un souffle brûlant se répand à chaque mouvement d'aile. Sa queue frappe le sol et abat le reste du bûcher, comme pour clore ce douloureux chapitre. Le peuple panique et se couche, pour éviter d'être atteint par les débris qui s'éparpillent sous la violence du choc. Le cœur de Merlin bat à tout rompre, mais il reste là, debout, captivé malgré lui par ce spectacle grandiose. Il ne peut s'empêcher d'admirer la force peu commune de ce petit bout de femme. Il sent un nouveau revirement : elle hésite entre une colère dévastatrice et sa raison. Les flammes noires et rouges finissent par prendre une couleur mordorée et légèrement plus claire. Le Phœnix réapparaît alors dans un tourbillon d'étincelles. D'immenses ailes de lumière dorée se déploient, sous le murmure de la foule qui le fixe, les yeux ronds. Il s'élève et file droit vers le ciel, laissant une traînée incandescente, puis s’éloigne rapidement, au-delà de la vitesse de la lumière, formant une arabesque de lignes entrecroisées, en direction de la voûte céleste et rejoint les astres...
— Époustouflant ! s'extasie le duc.
Le jeune druide, jusqu'au dernier moment, suit des yeux l'enchanteresse, puis quand il ne l'aperçoit plus, répond enfin, en chuchotant :
— Oui !"

"Je l'encourage de la main à se rapprocher. Ce jeu est, ma foi, très excitant, je n'ai jamais vu Matt aussi captivant et désirable. Il se dirige vers moi furtivement, je l’esquive d’un mouvement et il enserre l'arbre.
Je le défie et le questionne malicieusement :
— Quelles sont tes intentions, si tu m'attrapes ?
Je me pose près de papa et m'adosse à lui.
— Luna ! gémit ce dernier, en levant les yeux au ciel.
Matt marche à présent vers moi. Il gèle dehors, pourtant, il retire son pull et entrouvre légèrement sa chemise.
— Tu peux m'expliquer ce que tu fais ? s'écrie Niel.
Il en perd son latin, le pauvre, tandis que moi... j'en ai le souffle coupé. Il s'accroupit, sans me regarder. J'ôte ma main et recule. De mémoire, il me localise aisément par la pensée, il a déjà agi ainsi pour me sauver.
Je le fixe, ses muscles saillants sont prêts à bondir. Qu'il est beau ! J'essaie de deviner ce qu'il projette d'accomplir, mais je ne perçois rien. Je me hisse sur un rocher près de l'étang et souris à mon idée. Soudain, il s'élance et m'effleure, car je m'envole de justesse pour éviter de tomber. Il atterrit comme prévu dans les nénuphars. J'entends le fou rire de Merlin.
— Je déclare Luna gagnante, s'exclame Niel."

Subitement, un frisson glacé me secoue le corps. Je suis projetée violemment contre le carrelage. Le choc est rude. Au ralenti, je m'affaisse contre les parois de ma baignoire. Une odeur âcre me soulève le coeur. Un liquide chaud et poisseux coule le long de ma joue, puis de mon cou. Je tourne la tête et aperçois la traînée de sang. Dans un dernier hoquet, je perds connaissance.
La douleur disparaît, je me relève rapidement. Et là, je découvre horrifiée, mon corps sans vie. Suis-je morte ? Non, ce n'est pas possible. Je refuse cette éventualité. Quand soudain une voix douce me susurre dans mon oreille :
— Non, Luna, tu ne l'es pas. J'ai encore besoin de toi.
Je me tourne brusquement pour tomber nez à nez avec un fantôme :
— Qui êtes-vous ?
— Mon nom est Abigail.
— C'est vous qui m'avez poussée ?
— Oui. C'est également moi au cinéma. Mais ton corps refusait ma présence. Désormais, il est libre et je vais m'emparer de lui !
Je la regarde, ébahie :
— Vous allez prendre possession de mon être ?
— Oui, il le faut.
Dans un hurlement, je m'écris :
— Non !

Lugh hausse un sourcil et leur confie:
- Oui ! D'ailleurs, soit dit en passant, vous en avez fait du propre ! Vous avez transformé nos deux pôles en déserts de glace, vous pouvez être fiers de vous !
Tous le regardent, les yeux ronds, et Matt souffle:
- non ... Sans blague ?
Lugh lui rétorque très sérieusement:
- C'est l'entière vérité ! ah ! Dire que je m'ennuyais sur mon île ... et ma descendance est arrivée. Désormais, je suis dans l'obligation de gérer la colère de tout un peuple fort prétentieux, que j'évitais soigneusement depuis longtemps. Je dois vous apprendre comment regagner votre dimension, et pendant ce temps, Luna dort ! N'est-elle pas belle la vie ?
Ils éclatent tous d'un rire nerveux et scrutent la superbe enchanteresse si pâle dans un cocon

- Ouaouh, belle-sœur ! s'extasie, non pas Théo, mais Adrian, à la grande stupéfaction de tous. C'est ... impressionnant !
- Elle s'embrase vite au contact de Matt, rajoute Théo en riant
...
- Les iris de Luna ne sont plus bleus, mais ... dorés ? Des flammes dansent à l’intérieur. C'est ...
- Troublant, termine Daioni dans un souffle

- Si, rassure-toi, tu le côtoieras tous les jours, cependant il est préférable que nous t'éloignions de lui lors de ton apprentissage afin que tu te concentres.
- Car, vois-tu, petite sœur, lorsqu'il est près de toi, tes sens n'ont plus de sens, plaisante Théo.

Cette nuit, je me suis souvenu des pouvoirs que peuvent avoir deux âmes sœurs, l'un d'entre eux nous permet de communiquer par télépathie. Enfin ceux qui ont des capacités pré-requises.