Citations de Jean de Ruysbroeck (25)
Car, si l’homme est fait à la ressemblance de Dieu, il est disposé à recevoir sa grâce, laquelle est en effet une lumière déiforme qui nous pénètre de ses rayons et produit en nous la ressemblance divine : sans cette lumière qui produit en nous la ressemblance divine nous ne pouvons parvenir à l’union dans l’ordre surnaturel.
(…) toutes les fois que Dieu trouve en nous quelque disposition à recevoir sa grâce, de par sa bonté gratuite Il veut nous rendre vivants et semblables à Lui moyennant ses dons.
Les Noces spirituelles, in œuvres choisies, p. 307
La connaissance de nous-mêmes nous apprend d’où nous venons, où nous sommes, et où nous allons.
Nous venons de Dieu, et nous sommes en exil ; et c’est parce que notre puissance d’affection tend vers Dieu que nous avons conscience de cet état d’exil.
Il faut que je me réjouisse au-dessus du temps...quoique le monde ait horreur de ma joie, et que sa grossièreté ne sache pas ce que je veux dire.
La Clarté de Dieu que nous percevons en nous n'a ni commencement ni fin, ni temps ni lieu, ni chemin, ni sentier, ni forme ni figure ni couleur.
Elle nous embrasse, nous saisit et nous pénètre tout entiers, et elle tient grand ouvert le regard qu'elle a rendu simple; notre œil reste ainsi ouvert à jamais sans que nous puissions plus le fermer.
L’amour est vie et porte en lui-même sa récompense.
Lorsque l'été approche
Lorsque l'été approche et que le soleil s'élève, il fait monter l'humidité de la terre jusqu'aux branches, à travers les racines et le tronc des arbres ; de là viennent les feuilles, les fleurs et les fruits. De la même manière, quand le Soleil éternel, le Christ, s'élève dans nos cœurs, il fait venir l'été dans la parure de nos vertus
/Dits et maximes choisis et traduits du moyen-néerlandais par Marie et Jean Moncelon
L'homme est, quant à l'âme
L'homme est, quant à l'âme, créé à partir d'un néant que Dieu n'a pris nulle part. C'est pourquoi l'homme atteint ce néant qui n'est nulle part. Il s'écoule jusqu'à se perdre soi-même en s'abîmant dans l'essence simple de Dieu comme en son propre fond et c'est ainsi qu'il meurt en Dieu. Mourir en Dieu, c'est être bienheureux, chacun selon la noblesse de son âme
/Dits et maximes choisis et traduits du moyen-néerlandais par Marie et Jean Moncelon
Si nous sommes nourris par la vie active
Si nous sommes nourris par la vie active et marchons sur la terre avec les animaux, nous respectons les commandements de Dieu. Si nous sommes nourris au-dedans par la vie intérieure, c'est comme si nous nagions avec les poissons dans les eaux de la grâce, là où nous goûtons Dieu et la multitude de ses dons. Mais si nous sommes nourris par la vie contemplative, c'est comme si nous volions avec les oiseaux au-dessus de notre entendement, dans l'air de la lumière divine
/Dits et maximes choisis et traduits du moyen-néerlandais par Marie et Jean Moncelon
Pour que l'homme puisse jouir de Dieu
Pour que l'homme puisse jouir de Dieu,
trois conditions lui sont nécessaires : une
paix véritable, un silence intérieur et une
adhésion amoureuse
/Dits et maximes choisis et traduits du moyen-néerlandais par Marie et Jean Moncelon
Quand nous nous attachons à Dieu avec amour, nous somme esprit. L'Esprit de Dieu nous souffle dans le monde pour aimer et faire le bien, et il nous aspire et nous ramène en lui pour le repos et la jouissance : cela est la vie éternelle.
La vraie foi, embellie par l’amour, telle est la joie la plus intime et la plus élevée que je connaisse pour ce temps-ci
Car la raison illuminée, éprouve cet attouchement ; et la raison ne peut concevoir le mode ni le genre de cet attouchement, ni ce qu’il est en soi ; car c’est une œuvre divine ; la source et la vasque de toutes les grâces et de tous les dons, et le dernier intermédiaire entre Dieu et la créature. Et au-dessus de cet attouchement, en la tranquille essence de l’esprit, flotte une incompréhensible clarté. Et c’est la sublime trinité d’où émane cet attouchement. Là vit et règne Dieu dans l’esprit, et l’esprit en Dieu.
L'homme volontairement pauvre, en effet, mène une vie libre et dépouillée de souci pour tous les biens terrestres, quels que soient ses besoins.
On rencontre bien des gens, remplis de complaisance pour eux-mêmes, qui se figurent mener une vie sainte et être grands devant Dieu et qui cependant se trompent en beaucoup de manières; car ceux qui ne sont ni détachés d'eux-mêmes, ni mortifiés dans leur vie, ne sauraient être non plus ni élevés, ni expérimentés dans la vie de la grâce, ni éprouvés devant la divine majesté. Ils peuvent être doués d'intelligence et de raison subtile, mais ils se complaisent en eux-mêmes et cherchent à plaire aux hommes, et c'est là se détourner de Dieu. De même est-ce la racine principale de tout péché.
Voyez, cette clarté mystérieuse à laquelle on contemple tout ce que l'on désire, en rapport avec le vide de l'esprit, cette clarté est si grande que le contemplateur aimant n'aperçoit et n'éprouve en son propre fond, où il se repose, rien qu'une lumière incompréhensible; et selon la nudité simple qui enveloppe toutes choses, il se trouve et se sent transformé en la lumière même qui le fait voir et rien autre chose.
Parfois l'homme intérieur, par inclination fruitive, rentre en soi-même d'une manière simple, au-dessus de toute activité et de toutes vertus, pour s'appliquer à un regard simple dans l'amour de jouissance. Et là il rencontre Dieu sans intermédiaire. Et de l'unité de Dieu brille en lui une lumière simple, et cette lumière se montre ténèbre, nudité et rien. Dans cette ténèbre, l'homme est enveloppé et il s'enfonce dans un état sans modes, où il est perdu. Dans la nudité, toute considération et distinction des choses lui échappe, et il est informé et pénétré d'une clarté simple.
Sa faim est démesurément grande ; il nous consomme en entier jusqu’au fond car il est un glouton avide tourmenté d’une faim vorace ; il dévore jusqu’à la moelle de nos os… Tout d’abord, il prépare son repas et consume dans l’amour tous nos péchés et nos défauts. Puis quand nous sommes purifiés et rôtis par le feu de l’amour, il ouvre la bouche comme un être vorace qui veut tout engloutir… Ah ! si nous pouvions voir l’envie gourmande que le Christ a de notre salut, nous ne pourrions pas nous retenir, nous lui volerions dans la gorge…
Quand le soleil est dans le signe du Cancer, la chaleur est à son comble : il brûle les humidités de la terre et mûrit ses productions. Et quand le Christ-Soleil est exalté sur la montagne du cœur, quand il est exalté plus haut que les dons, plus haut que les consolations, plus haut que les douceurs qui tombent de lui, quand il est immobile sur la plus haute cime de l'esprit, quand nous ne nous reposons plus dans aucun goût divin ni dans aucune grandeur accordée à nos âmes, quand maîtres de nous, et supérieurs à nous-mêmes nous rentrons vers le principe pour nous abîmer dans l'abîme lui-même d'où coulent toutes perfections, quand le phénomène de l'exaltation du Christ s'est produit, il tire tout à lui, c'est-à-dire toutes nos puissances.
Aucune saveur, aucune consolation ne peut nuire à la liberté de cet amour vainqueur; rien ne s'impose à lui car il a résolu de tout dépasser pour s'unir à celui qu'il aime. Quand l'homme intérieur a atteint ce degré, les étages inférieurs de lui-même sont entraînés et ravis par le mouvement ascensionnel. La première opération du Christ est alors d'entraîner au ciel toutes les puissances et de se les unir ; il invite, il exige. Il dit en esprit : Sortez de vous-même, sortez comme je vous attire.
Mais cette attraction est ineffable ; elle ressemble à une invitation intérieure et à une exigence de la vérité sublime qui nous demande pour s'unir à nous. Cette invitation est une jouissance inconnue et une activité sublime émerge de cet océan ; car l'homme s'ouvre et se dilate ; les veines sont béantes ; les puissances ne sont pas en état d'exécuter les ordres qu'elles reçoivent, mais leur désir est là. Cette invitation est une irradiation du soleil éternel ; la joie qu'elle excite ouvre l'homme, l'étend, l'agrandit, et la chose béante qui est au fond de lui ne se referme plus facilement. Cette chose-là, c'est la blessure de l'amour, c'est ce qu'il y a ici-bas de plus doux et de plus terrible. Mais voici les exigences du soleil qui accable le blessé de ses rayons, et toutes les plaies s'agrandissent.
Comme le gris d'un ciel soudain s'éclaire, ou comme dans la plaine un champ, un jardin, ou du linge étendu, un drap sur un fil, s'illumine de soleil - on voit cela dans certaine toile de Ruysdael, on voit cette lumière céleste dans celle du jour, cet éclat surnaturel ou cette apparition angélique dans l'étoffe commune du monde, cette gloire sur la terre -, soudain l'ordinaire des conseils d'un père spirituel se transfigure et le ciel s'ouvre à l'horizon de l'âme, à son zénith.
Cinquième degré : la noblesse. Cette vertu peut surprendre. Et nous la rattachons, d'abord, au monde médiéval, à l'époque de Ruysbroeck, et à la tradition courtoise telle qu'elle se trouve évoquée, par exemple, par Hadewijch d'Anvers, mystique et poétesse du XIII° siècle, visionnaire, et dont Ruysbroeck connaît bien l'oeuvre. Mais au-delà d'un trait d'époque, cette noblesse est un trait chrétien. Il nous rappelle que le Christ est seigneur, Notre Seigneur. Il nous rappelle que la gloire de Dieu demande qu'on la serve, bien que notre service lui soit inutile : mais alors sa gloire nous revêt. Il nous rappelle l'honneur de Dieu et la parole jurée, fidèle, et que serment et sacrement sont mots de même racine : sacer. Il nous rappelle que la chevalerie est par dessus tout d'ordre spirituel et que saint Paul lui-même évoque les armes du combat intérieur.