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Citation de Partemps


Georges Bataille

En 1990, Marina Galletti publie, dans la collection « Essais » des éditions de la Différence, un ensemble d’inédits de Georges Bataille sous le titre L’Apprenti Sorcier, textes, lettres et documents, 1932-1939. Marina Galletti, que j’ai rencontrée à Rome où Jacqueline Risset, dont elle était une élève, me l’a présentée, n’a, autant que je sache, écrit et publié que cette seule anthologie de textes de Bataille... J’ai déjà eu l’occasion d’en parler dans un de mes journaux... Mais je souhaite y revenir aujourd’hui pour, autant que possible, clarifier la position extrêmement complexe et riche (c’est le moins qu’on puisse dire) de Bataille.

C’est, à mon avis, à juste titre que Marina Galletti ouvre son discours analytique en citant Michel Foucault qui, en 1970, déclare : « On le sait aujourd’hui : Bataille est un des écrivains les plus importants de son siècle... »


Paris, dimanche 29 octobre

Encore Bataille... l’un des problèmes secondaires, il est vrai, qui se posent avec Bataille, comme d’autre part, mais différemment, avec Leiris, c’est la sorte de rap­port que l’un et l’autre entretenaient avec André Masson. Ne collaborent-ils pas régulièrement aux hommages rendus çà et là à André Masson ? En 1937 dans un hommage en édition de luxe, sans nom d’éditeur (édition reprise par André Dimanche éditeur, en 1993). Cette édition comporte des poèmes et essais de Michel Leiris, Paul Éluard, Georges Bataille, André Breton, Pierre-Jean Jouve, Benjamin Péret, Robert Desnos, Georges Limbour et Armel Guerne... Et encore et à nouveau dans l’édition de l’album de 447 pages, André Masson, l’insurgé du XXe siècle, où l’on retrouve Michel Leiris avec Jean-Marie Drot, Jean Leymarie, Achille Bonito Oliva, Alain Jouffroy, mon amie Jacqueline Risset, et quelques autres... Le tout, comme le premier catalogue, illustré d’un grand nombre de dessins de Masson.


André Masson, Portrait de Georges Bataille, 1937. Manet, Lola de Valence, 1862.
Avec le temps, Masson ne s’impose pas vraiment comme un artiste majeur du XXe siècle. On en pense ce qu’on veut, mais les dessins comme les peintures sont le plus souvent d’une laideur et d’une sottise difficilement supportables... Comment se trouve-t-il faire l’unanimité chez les intellectuels ? Où est l’aveuglement ? Il tient, me semble-t-il, essentiellement aux discours et aux lectures dont se réclame Masson : Héraclite et Nietzsche, ou encore, comme l’écrit Leiris, Rimbaud, Dostoïevski, Raymond Lulle, certains ouvrages de magie, Paracelse... voire, plus tard, Sade...

Le plus difficile à admettre, c’est lorsque les références deviennent picturales. Que peut-il y avoir de commun entre l’art de Masson et Mantegna, Poussin, Delacroix ? Et plus encore entre l’art de Masson et Cézanne... Lorsqu’il avance cela, de toute évidence Leiris est imprudent, même s’il prend la précaution de privilégier le caractère biographique de son essai...


André Masson, Portrait de Michel Leiris, 1939.
« Son visage aux traits accusés [...], son crâne ras
[...] forment peut-être ce que j’ai jamais rencontré
de plus contradictoire : une lâcheté évidente
(plus évidente que la mienne) mais si empreinte
de gravité, si impossible à délivrer
que rien n’est plus navrant à voir. »


Les deux hommes, c’est flagrant, ne sont pas sur la même longueur d’onde... Ce que ne laisse pas supposer le texte de Jacqueline Risset qui, dans sa précipitation, n’hésite pas à parler de « communauté » et à associer étroitement Masson et Bataille, que tant de choses séparent, ne serait-ce que la psychanalyse pour laquelle, Masson, si on en croit Leiris, « n’éprouvait guère de curiosité »... alors que Bataille aussi bien que Leiris éprouvèrent la nécessité d’aller voir ce que ce qui se jouait de ce côté-là...

Ce qui m’apparaît de plus en plus clairement, c’est que le travail de Marina Gal­letti est une réponse, subtilement déguisée, au texte de Jacqueline Risset, qui n’hé­site pas à écrire : « Entre 1929 et 1939, Bataille fonde et dirige une série de revues constituant souvent les écrits de plusieurs groupes à la fois. La notion de « commu­nauté » dans toutes ses variétés et toutes ses implications (jusqu’à « la communauté inavouable » que décrit Maurice Blanchot) est au cœur de ses réflexions, parfois de son action. Masson reste tout à fait étranger aux groupes les plus marqués politique­ment, comme le groupe d’études marxistes (la Critique sociale), ou comme moyen d’intervention de gauche (Contre-Attaque) qui marque la réconciliation provisoire entre Bataille et Breton. »
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