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Citation de Partemps


V.R. : Il faut donc faire remonter à la Terreur la fin du Miracle français, comme disait Nietzsche ?

Ph. S. : Oui.

V.R. : Et cette période des « années folles » que nous évoquions ?

Ph. S. : En 1920, vous aviez eu une boucherie telle qu’elle a suscitée une émulsion. En somme, il faut s’habituer à voir l’Histoire ainsi : montée de liberté puis répression. Après 1968, la fermeture est violente. Et cette fermeture est reverrouillée sans arrêt. Aujourd’hui, je constate que le programme de la société, qui ?uvre à une séparation tyrannique entre les hommes et les femmes pour que chacun reste à sa place, est une forme de censure, d’empêchement des affinités électives. Il ne faut pas que les affinités électives se déploient sans quoi la société elle-même est mise en question. L’amour, les rapports gratuits entre les hommes et les femmes sont tellement rares (contrairement à ce que la propagande nous dit), que s’ils se développaient, ils produiraient une révolution dans la société elle-même. La société ressent ces rapports éventuels positifs d’affirmation — appelons-les ainsi —, comme révolutionnaires. Tout le reste, c’est du bavardage. Un discours révolutionnaire qui n’inscrit pas, a priori, cette abolition de la séparation entre les sexes est, à l’inverse, un discours contre-révolutionnaire. Ma mauvaise réputation vient de là : je décris des rapports positifs et gratuits. Exemple dans Femmes : un mariage très réussi (Deborah), qui n’empêche pas le narrateur d’avoir des liaisons multiples.

V.R. : Le rapport positif, gratuit, entre un homme et une femme est donc considéré comme un tabou ?

Ph. S. : Voilà. Il est extraordinaire que le tabou porte précisément sur ce qui n’arrête pas d’être vendu par la marchandise sociale. Le tabou porte sur l’entente entre un homme et une femme, sur la façon d’être dans le dire. Cette région est très surveillée.

V.R. : Dans les premières pages de Femmes, il est écrit : « Le monde appartient aux femmes, c’est-à-dire à la mort. Là-dessus, tout le monde ment » .

Ph. S. : En effet, la question de la mort doit être envisagée. II n’y a pas de discours commun sur la mort entre hommes et femmes. La question To be or not to be ? n’est pas une question féminine. Que ce soit clair. C’est là que ça se passe. Il faut envisager des procédures de déverrouillage de cette question. Les femmes ont affaire en général à leur mère (les hommes aussi d’ailleurs, elles finissent par les féminiser un jour ou l’autre, ou à leur faire prendre la voie homosexuelle). La question, c’est les mères. Faust, Baudelaire... Dès qu’on dit la vérité ici, c’est le scandale.

V.R. : Pour un homme, un commerce heureux avec les femmes ne peut-être que gratuit ?

Ph. S. : Un commerce... (rires). Il ne peut pas être autre chose que gratuit s’il a lieu. Je cite dans Les Voyageurs du Temps une formule merveilleuse de Freud qui dit que, pour qu’un homme soit plutôt heureux dans cette région, il s’agit d’avoir perdu le respect pour La femme — qui n’existe pas comme l’a dit Lacan — et de s’être familiarisé avec les idées d’inceste avec la mère et la soeur. Bonne chance à tout individu de sexe masculin ! En général, ils respectent trop, y compris à l’envers. La bonne voie est un athéisme radical.

V.R. : Vous dites d’ailleurs que vous êtes un athée sexuel.

Ph. S. : J’ai du mérite dans une époque obsédée. Le secret érotique est dans la gratuité. L’amour est gratuit. Et finalement, comme dit Lautréamont : « L’erreur est la légende douloureuse ».

Mars 2009.
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