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EAN : 9782070125593
128 pages
Gallimard (24/09/2009)
5/5   1 notes
Résumé :
CE VOLUME CONTIENT

Philippe Sollers, Discours parfait (Préface et table) – Des femmes – Montherlant, tel quel – Noir Cioran – L'oreille de Van Gogh – Exception
François Meyronnis, Brève attaque du vif
Lionel Dax, Nicolas Chamfort
Marcelin Pleynet, Situation : «Politique»
Olivier Maillart, Un hérétique de notre temps
Stéphane Mosès, Anatomie du Witz
Jean-Noël Godin, Le Flash impérial
Frans De Haes, Oracl... >Voir plus
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Citations et extraits (6) Voir plus Ajouter une citation
Vincent Roy : Vous publiez en janvier 1983 un roman qui va faire grand bruit.
Son titre : Femmes , Il s’agit d’un livre-bilan sur le « féminin », une sorte de radiographie du « féminin », écrit sur une période particulièrement charnière, une période de mutation. Les femmes ont-elles pris le pouvoir ?

Philippe Sollers : Les femmes n’ont jamais pris le pouvoir, mais elles l’ont toujours eu en creux, en fonction de la reproduction de l’espèce. Tout à coup, à cette époque, ça commence à se voir. Je suis sur le terrain, je note.

V.R. : Dans L’année du Tigre, votre journal de l’année 1998, vous écrivez que les femmes ont été amusantes entre 1730 et 1790, entre 1920 et 1930, puis « assurément », dites-vous, en 1968.

Ph. S. : En effet, il s’agit là de périodes de liberté intense.

V.R. : Qu’est-ce qui, du point de vue romanesque, vous a intéressé dans les années 1970-1980 ?

Ph. S. : C’est la montée d’une certaine toxicité dans l’univers féminin, et cette montée correspond exactement à ces années-là : des années de remise en ordre après le chambardement de 1968 et le commencement d’une nouvelle ère où se laisse discerner un continent d’appropriation de la substance féminine par la Technique. Epoque charnière : celle où l’on commence à parler beaucoup de procréation in vitro, etc. Dans le monde occidental tel que nous le connaissons, tout à coup est sorti un « bio-pouvoir » qui arraisonnait déjà de façon sensible le continent dit féminin. À partir de là, j’écris un roman dans lequel je montre des expériences, positives et négatives, avec des femmes. Il me fallait rendre compte d’une perspective à long terme. Mai 1968 a été une révolution complète avec ses effets majeurs dans les vies privées, les comportements physiologiques, sexuels... Ensuite, il y a eu une remise en ordre d’abord assez brutale puis de plus en plus insidieuse, de plus en plus propagandisée par tous les moyens habituels de la publicité, des médias, du marketing, du roman lui-même, de la pseudo-littérature féminine... Finalement, sous tous ces déguisements, c’est la technique qui parle, et plus du tout la poésie des situations.

V.R. : En 1991, dans Improvisation [3], vous écrivez à propos de Femmes qu’il s’agit d’une « petite cavalcade plutôt positive à travers les illusions sexuelles ». En somme, avec ce roman, il s’agit, pour vous, de rétablir la vérité.

Ph. S. : La vérité, c’est que la guerre des sexes parcourt toute l’histoire de l’humanité et qu’elle subit des modulations selon les époques : il y a des pauses dans cette guerre qui est une guerre à mort dont il ne faut pas se cacher la violence, mais aussi les charmes. N’oubliez pas qu’il s’agit de roman.

Au moment où j’écris Femmes, la « sexualité » se libéralise de façon très apparente.

Or, si on est un peu attentif, on remarque que cette surexposition sexuelle participe, en même temps, d’une censure redoublée. Que c’est une manifestation non pas d’érotisme mais de pudibonderie. Il y a donc un puritanisme de la propagande sexuelle quand se produit l’arraisonnement par la technique du continent féminin, encore une fois sur la question essentielle de la reproduction de l’espèce — c’est-à-dire sur la reproduction de la mort.

Les rapports un peu gratuits entre les sexes correspondent à une pause — que l’on peut qualifier quasiment de miracle — mais, en général, il y a mensonge sur cette question. Entre les hommes et les femmes, c’est très rarement gratuit : si ça l’est, alors c’est un événement physique mais aussi une affaire de langage.

V.R. : D’ailleurs vous écrivez : « Les hommes et les femmes n’ont rien à trafiquer ensemble ».

Ph. S. : En principe. Et ils se racontent constamment le contraire ce qui fait qu’on a une chance de percer vers la vérité seulement si l’on pose, a priori, dans une relation entre hommes et femmes, que ce sont deux espèces différentes — comme dit Freud, l’ours blanc et la baleine. A ce moment-là, ça devient extraordinairement singulier et asocial. Donc libre. Et libre parce que gratuit. Le mensonge porte sur l’argent et sur la reproduction de l’espèce en tant que bien négociable.

V.R. : Toujours dans Femmes, en 1983, vous dites que les femmes existent totalement par elles-mêmes et « n’ont plus grand-chose à attendre de leur mystère supposé ».

Ph. S. : Voilà, ça va devenir du spectacle, du cinéma. Les relations sont désormais totalement cinématographiques : on joue des rôles.

Cette déclaration que vous venez de citer est parfaitement antiromantique. La romantisation de ces choses, qui est un sentimentalisme exploitable de façon mensongère, a été l’instrument du bio-pouvoir c’est-à-dire de la prise en main technique. Cette prise en main peut libérer des forces considérables : il faut avoir vécu un peu de temps aux États-Unis dans le milieu des années 1970 et s’être colleté avec la névrose du puritanisme américain pour comprendre ce phénomène. La baise, oui, pourquoi pas, à condition qu’elle entraîne le mariage etc. La tyrannie névrotique américaine, c’est qu’il faut payer tout de suite. Ce n’est jamais gratuit, et toujours « sentimental ». Pas sensible. Vous naviguez entre déferlement homosexuel, conformisme hétéro bétonné et pornographie.
V.R. : Revenons, justement, sur les rapports gratuits entre les sexes.

Ph. S. : Il s’agit de lever un malentendu. Le langage, dans ces moments gratuits, va jouer un rôle déterminant. Si vous arrivez à parler librement, gratuitement, vous arrivez à quelque chose qui est possible. Or j’observe que nous sommes aujourd’hui en pleine régression.

Contrairement à ce qu’on pourrait penser — et je parle de la relation dite hétérosexuelle — chaque sexe ignore presque totalement le fonctionnement de l’autre au point que vous pouvez demander à un homme comment il considère les organes féminins — vous allez aboutir à des approximations — et, de l’autre côté, c’est pareil. Il y a donc quelque chose qui n’est pas vu en tant que tel. Tout cela se passe dans une sorte de faribole confuse d’où émerge assez vite la note à payer ... Argent, procréation éventuelle (qui est un désir féminin classique sauf 5 ou 6 % de la population) ... Et la plainte. Car il s’ensuit de la plainte. Qu’est-ce qu’il faut, alors, comme paramètres pour qu’il n’y ait pas lieu de se plaindre ? Pour que ça se passe dans le rire gratuit ? Je pense, par exemple, qu’il est très erroné de croire qu’il suffit d’exprimer son désir pour obtenir celui de l’autre. Il faut que ça soit concomitant. Là-dessus, il y a confusion générale.

Contrairement à ce qu’on raconte sans arrêt, 80 % des femmes — et je suis optimiste — ne s’intéressent ab-so-lu-ment pas à la sexualité. Il ne faut donc pas s’étonner si, déchargées de la recherche d’un gain (enfant, argent, situation sociale), elles peuvent augmenter leur autonomie mais en même temps, il est toujours question de simuler. C’est la question de la simulation qui est importante. « Combien de femmes ne font que râler faussement », m’a dit un jour une amie. Dans ce « râler faussement », vous entendez, à travers les siècles, la longue cohorte des mères ...

V.R. : Dans vos romans, la majorité des femmes ne sont pas françaises. Vous semblez préférer « les belles étrangères ».

Ph. S. : C’est une question de développement inégal des pays, des langues et des civilisations. Je crois qu’on peur dire que la femme française a donné le ton général à l’époque libre du 18e siècle : il est évident que c’est elle qui savait de quoi il s’agissait. Madame de Merteuil est un personnage qui ne tombe pas du ciel. La littérature de cette époque est emblématique. Cette fulgurante supériorité dans ce domaine a été court-circuitée violemment. Pourquoi Stendhal, plus tard, trouve-t-il ses amours en Italie et souvent chez des femmes qui se refusent plus ou moins, mais ont un tempérament plus vif ? Tout cela parle tout seul. C’est un drame français. Ou, si vous préférez, une tragédie française pour insister sur le féminin dans cette affaire. La répression a donc pris sa vitesse de croisière (même si elle a un peu sauté dans le tourbillon de 1968). C’est choquant par rapport à l’historicité de cette nation ou par rapport à ce personnage de Française. Il y a quelque chose de blessant — du moins si l’on a une certaine conscience historique. La France était au sud, elle est maintenant au nord, à l’américaine.
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Bruckner : la tyrannie de l’amour

L’amour est-il le nouvel horizon indépassable de notre temps ?

Pascal Bruckner : Il y a un diktat de l’amour, qui nous vient du christianisme : il est la voie de la rédemption. Et nous continuons à chercher le salut avec obstination et angoisse. Sauf qu’aujourd’hui on le veut sur Terre.

Par quelle ruse de l’Histoire la sexualité, que l’on croyait enfin libre, serait-elle encore subordonnée au sentiment ?

Cette ruse, c’est la comédie que nous nous sommes jouée à nous-mêmes. L’amour n’a été admis que comme un passager clandestin dans la vaste aventure du sexe. Nous étions très fleur bleue mais il ne fallait pas le dire. Les sentiments n’avaient droit de cité que s’ils étaient l’annexe du désir. Barthes disait : « La revue Nous deux est plus obscène que le marquis de Sade. » Je sais maintenant que Mai 68 n’a pas été plus érotique ni pornographique qu’il n’a été bolchevique. Quand on voit les images de Woodstock, on sent l’inspiration évangélique. Les corps sont nus parce que la nudité est innocence : on en revient à Adam et Eve avant la chute. Autrement dit, Mai 68, loin d’inaugurer une orgie généralisée, à ouvert la voie à un renforcement du sentiment amoureux assorti de sa composante charnelle.

Vous exagérez ! La sexualité, même sans amour, est non seulement un droit, mais presque un devoir.

Il est vrai qu’un nouveau snobisme impose d’exhiber une sexualité abondante, riche et maîtrisée. Ce qui était autrefois interdit devient obligatoire, ce qui était privé devient public. Reste que le sexe n’a pas été libéré, car il n’est pas libérable. On peut s’affranchir des tabous, accorder aux femmes les mêmes droits qu’aux hommes. Mais penser qu’on peut venir à bout de la sexualité est idiot. Cela fait partie des utopies européennes : la sexualité a été un accident de l’Histoire et nous entrons à pieds joints dans l’ère du postnational et du postsexuel.

En tout cas, si c’est dans l’amour que nous cherchons le salut, c’est un salut renouvelable, reproductible, aurait peut-être dit Walter Benjamin.

Oui, et cette possibilité de recommencer sa vie est à porter au crédit de l’époque. Autrefois, les femmes, à l’image de ma mère, pouvaient subir la compagnie d’un seul mâle pendant quarante ou cinquante ans. Maintenant que l’affection a remplacé l’obéissance, la subordination ou l’intérêt dans le lien marital, si la rédemption n’arrive pas avec un partenaire, on a la possibilité de retenter sa chance. L’âge a cessé d’être une fatalité.

Cette liberté des modernes est parfois fort encombrante. Vous notez fort justement que l’expression « amour libre » est un oxymore.

Aujourd’hui, le défi est beaucoup plus grand. L’aliénation volontaire de sa propre volonté qui consiste à tomber amoureux se réalise dans l’euphorie, la joie, le sentiment d’agrandissement. Puis on bute contre les murs d’une prison qu’on a construite soi-même et à laquelle on tient. « Amour libre » signifie qu’on renonce librement à sa liberté, tout en ayant la possibilité de la reprendre à tout moment.

Nous avons plusieurs vies et nous sommes, comme le proclamait fièrement la publicité d’un opérateur de téléphonie portable, « sans engagement ». Est-ce un si grand progrès ?

Ce que la liberté a apporté à l’amour, c’est aussi que la moindre entrave est vécue comme insupportable. C’est la face sombre de l’affaire : l’univers du consumérisme est entré dans le coeur humain, avec comme conséquence la muflerie généralisée. Maintenant que le marché amoureux s’est libéré, il a adopté toute la dureté du marché-compétition, concurrence, élimination. La rupture ressemble beaucoup à un licenciement. Récemment, une jeune femme m’a dit : « Je vais quitter mon copain car c’est un loser. » Les attentes sont tellement élevées, les exigences tellement insatiables que personne ne peut y répondre durablement. Une histoire d’amour, c’est un entretien d’embauche permanent.

L’amour devrait aussi heurter nos sentiments démocratiques, car rien n’est moins démocratique que lui.

Encore un grand mensonge de Mai 68 ! Dans un monde libéré des anciennes oppressions, nous serions, pensions-nous, tous égaux devant le plaisir. Chacun pourrait participer au grand banquet des sens et de la chair. Or la prétendue révolution sexuelle est allée de pair avec la révolution individualiste. Nul n’est plus obligé de se donner selon les volontés de l’autre, comme dans un roman du marquis de Sade. Autrement dit, Mai 68 a popularisé et démocratisé l’amour comme marché. Autrefois, la communauté codifiait la façon dont garçons et filles se rencontraient et se mariaient. La vie intime de chacun dépendait de l’accord de tous. Désormais, les critères d’attraction et de répulsion sont d’autant plus arbitraires qu’ils sont personnels.

Le choix du « partenaire », comme on dit, est-il si individuel que cela ? Si l’amour fait partie, comme vous l’observez, de l’« attirail social », les représentations collectives, la publicité, les médias ne jouent-ils pas un rôle essentiel ?

Bien entendu, il existe des barrières infranchissables : la beauté, l’âge, la richesse, le prestige. La société a fixé des canons de beauté impitoyables, surtout pour les femmes. Nous regardons les autres avec des codes très précis et non pas avec des yeux neufs. Et cette discrimination commence dès l’école, où les instituteurs favorisent les enfants « mignons » au détriment de ceux qui ne sont pas conformes aux canons esthétiques. Puis viennent ensuite les canons sociaux, économiques. Cela dit, la grande découverte des années 70, c’est qu’on peut ruser avec la norme : Woody Allen a magnifiquement incarné le type moche et sans grâce qui réussit là où les plus beaux échouent. C’est aussi ce qui explique le formidable succès de Houellebecq : il est le seul à affirmer que l’hédonisme est un féodalisme comme les autres.

La libération des femmes a pourtant ancré dans les esprits l’idée que le couple pouvait et devait être un lieu égalitaire, délivré de tout enjeu de pouvoir. Vous y croyez ?

Nous avons oublié que la libido et l’éros ont leur part d’ombre et de cruauté. Quand on fait l’amour, on se comporte parfois comme un barbare et c’est ça qui est agréable. Comme disait Martin Veyron, l’amour propre ne le reste pas longtemps. L’amour est toujours l’auxiliaire de la violence. Le vieux monde n’est pas mort. Le couple a besoin d’un certain niveau d’agressivité. La démocratie ne peut pas régner dans les chambres à coucher. Heureusement.

Ouf, nous ne sommes pas menacés par une sexualité pacifiée. Il faut donc croire que quelque chose traverse les siècles.
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V.R. : Il faut donc faire remonter à la Terreur la fin du Miracle français, comme disait Nietzsche ?

Ph. S. : Oui.

V.R. : Et cette période des « années folles » que nous évoquions ?

Ph. S. : En 1920, vous aviez eu une boucherie telle qu’elle a suscitée une émulsion. En somme, il faut s’habituer à voir l’Histoire ainsi : montée de liberté puis répression. Après 1968, la fermeture est violente. Et cette fermeture est reverrouillée sans arrêt. Aujourd’hui, je constate que le programme de la société, qui ?uvre à une séparation tyrannique entre les hommes et les femmes pour que chacun reste à sa place, est une forme de censure, d’empêchement des affinités électives. Il ne faut pas que les affinités électives se déploient sans quoi la société elle-même est mise en question. L’amour, les rapports gratuits entre les hommes et les femmes sont tellement rares (contrairement à ce que la propagande nous dit), que s’ils se développaient, ils produiraient une révolution dans la société elle-même. La société ressent ces rapports éventuels positifs d’affirmation — appelons-les ainsi —, comme révolutionnaires. Tout le reste, c’est du bavardage. Un discours révolutionnaire qui n’inscrit pas, a priori, cette abolition de la séparation entre les sexes est, à l’inverse, un discours contre-révolutionnaire. Ma mauvaise réputation vient de là : je décris des rapports positifs et gratuits. Exemple dans Femmes : un mariage très réussi (Deborah), qui n’empêche pas le narrateur d’avoir des liaisons multiples.

V.R. : Le rapport positif, gratuit, entre un homme et une femme est donc considéré comme un tabou ?

Ph. S. : Voilà. Il est extraordinaire que le tabou porte précisément sur ce qui n’arrête pas d’être vendu par la marchandise sociale. Le tabou porte sur l’entente entre un homme et une femme, sur la façon d’être dans le dire. Cette région est très surveillée.

V.R. : Dans les premières pages de Femmes, il est écrit : « Le monde appartient aux femmes, c’est-à-dire à la mort. Là-dessus, tout le monde ment » .

Ph. S. : En effet, la question de la mort doit être envisagée. II n’y a pas de discours commun sur la mort entre hommes et femmes. La question To be or not to be ? n’est pas une question féminine. Que ce soit clair. C’est là que ça se passe. Il faut envisager des procédures de déverrouillage de cette question. Les femmes ont affaire en général à leur mère (les hommes aussi d’ailleurs, elles finissent par les féminiser un jour ou l’autre, ou à leur faire prendre la voie homosexuelle). La question, c’est les mères. Faust, Baudelaire... Dès qu’on dit la vérité ici, c’est le scandale.

V.R. : Pour un homme, un commerce heureux avec les femmes ne peut-être que gratuit ?

Ph. S. : Un commerce... (rires). Il ne peut pas être autre chose que gratuit s’il a lieu. Je cite dans Les Voyageurs du Temps une formule merveilleuse de Freud qui dit que, pour qu’un homme soit plutôt heureux dans cette région, il s’agit d’avoir perdu le respect pour La femme — qui n’existe pas comme l’a dit Lacan — et de s’être familiarisé avec les idées d’inceste avec la mère et la soeur. Bonne chance à tout individu de sexe masculin ! En général, ils respectent trop, y compris à l’envers. La bonne voie est un athéisme radical.

V.R. : Vous dites d’ailleurs que vous êtes un athée sexuel.

Ph. S. : J’ai du mérite dans une époque obsédée. Le secret érotique est dans la gratuité. L’amour est gratuit. Et finalement, comme dit Lautréamont : « L’erreur est la légende douloureuse ».

Mars 2009.
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Texte publié en 2006 par les Presses Universitaires de France dans le volume des Monographies et Débats de psychanalyse, « Interdit et tabou », sous la direction de Claude Janin, avec un comité de rédaction composé de M.C. Durieux, F. Nayrou et H. Parat. Je remercie les PUF de m’avoir donné l’autorisation de cette reprise.

Jacqueline Schaeffer

LE TABOU DU FÉMININ [8]
« On pourrait presque dire
que la femme dans son entier
est taboue... »

S. Freud

« On pourrait presque dire... » La précaution prise par Freud dans cette énonciation aurait-elle le sens de se prémunir contre les démons ou les foudres, comme s’il prenait lui-même le risque de transgresser l’objet dont il traite : un tabou ? On pourrait presque dire... qu’il ose aborder ce « continent noir » peuplé de dangers et de chausse-trappes, où l’explorateur peut s’exposer à des flèches empoisonnées au curare, comme à celles de Cupidon. En quoi le féminin est-il porteur de ce caractère sacré, consacré, impur et donc dangereux dès lors que les’ rites d’évitement et d’interdit sont transgressés ? « Le tabou de la virginité », Freud distingue trois éléments. Le premier est le tabou du sang, particulièrement celui de la femme : le sang de la défloration, celui des règles, de l’accouchement, etc. Le deuxième est l’angoisse de l’étranger, de tout ce qui est premier, nouveau, inattendu et inquiétant, comme le premier coït. Le troisième tabou s’étend à tous rapports sexuels.

Ces peurs et ces tabous se concentrent sur la femme qui, écrit Freud, « est autre que l’homme,... incompréhensible, pleine de secret, étrangère et pour cela ennemie », Une femme qui saigne. Une femme avec qui « le premier acte sexuel représente un danger particulièrement intense », du fait de la « blessure physique et narcissique qui naît de la destruction d’un organe » . Une femme par qui, lors du coït, « l’homme redoute d’être affaibli,... contaminé par sa féminité et de se montrer alors incapable ». Voici le coeur du tabou qui traverse les temps et les moeurs : la femme est tout à la fois « autre », « sexuelle », « impure » et « castratrice ». Le « venin de la pucelle », cité par Freud, en témoigne. Il s’agit d’une terreur primaire. Les mesures d’évitement se portent aussi bien sur le toucher que sur le « voir ».
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Bruckner : la tyrannie de l’amour II
L’amour n’obéit pas aux lois du progrès. Le noyau dur du sentiment amoureux n’a pas changé. Ovide, Balzac, Mme de La Fayette ne nous parlent pas une langue étrangère. Ce régime de la passion qui semble immuable et résiste à tout est très troublant et, pour certains, insupportable. Pour moi, il est excellent que l’amour ne soit pas réformable.

Il est moins excellent qu’il envahisse tous les aspects de la vie sociale. Que chaque être humain ait droit au respect est un progrès considérable. Mais, aujourd’hui, nous sommes sommés d’aimer nos semblables ou plutôt nos dissemblables.

Aimez-vous les uns les autres : ce mot d’ordre hérité du christianisme est admirable et absurde. On pense le lien social sur le mode de la fusion alors que les grands fondements de la vie en société sont le respect mutuel, la distance et l’indifférence. Je n’ai pas à aimer les chrétiens, les juifs, les bouddhistes ou les homosexuels — ni bien sûr à les attaquer. La loi sanctionne les insultes, les atteintes aux personnes, mais nous ne sommes nullement obligés de vouer un amour inconsidéré à ceux qui ne vivent pas comme nous. Chacun est libre de ses opinions, de ses aversions et de ses attirances. Je réclame le droit d’être indifférent à la différence.

Refusé ! Ecoutez le discours politique : nos dirigeants nous aiment et ils en appellent sans cesse à notre amour.

Je ne suis pas sûr que cette affectivité débordante aille de pair avec des sentiments plus profonds. L’ennui, c’est que, désormais, tout doit se dire dans la grammaire du sentiment, y compris la méchanceté, la manipulation, les reproches, et donc la politique. Mais les sociétés ont besoin d’institutions, de respect, de distance, de hiérarchies. On ne peut pas fonder une civilisation sur l’amour : c’est un sentiment trop ambivalent, trop proche de la haine. Alors oui, je suis inquiet de voir l’obscénité sentimentale et ses effusions permanentes envahir le langage des démocraties.
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