Ah, le baseball, ce sport opaque pour les Français, et les Européens en général, le fléau de celles et ceux qui lisent les romans américains (et canadiens anglais), et la hantise des traducteurs de ces œuvres. Christine Le Bœuf, qui a traduit mon roman Rat Palms (il pleut des rats dans son excellente version chez Actes Sud), a dû lutter avec le langage multidimensionnel du baseball, et c'est une femme d'expérience, car elle a déjà réussi à mettre Paul Auster en français. Chaque été, des touristes français obnubilés contemplent l'action sur le terrain sans y comprendre grand chose. [David Homel].
Dans certains pays du Sud, on n’entame pas une bouteille de rhum sans en offrir aux morts, qui bien sûr ont soif, et qui ne peuvent connaître ce plaisir des vivants.
Alors il s'écroula, et il n'était pourtant plus ivre, il s'écroula en larmes sur les genoux de Tobi, et il plaida l'alcool, cette fois à voix haute, hoquetante, il plaida sa grande misère et son immense malchance d'avoir attrapé, il ne savait plus quand même s'il savait pourquoi, d'avoir attrapé cette maladie contagieuse inguérissable qu'est la soif. [Monique Proulx].
A cause des enfants, les femmes en parlaient à mots couverts. Elles échangeaient en termes sibyllins les derniers échos glanés dans un journal ou à la radio, discutant du mode opératoire du psychopathe. La scène qu'elles évoquaient se passait forcément en hiver, car en hiver tout était plus glauque. Parfois, il faisait nuit dès 15h30, on pataugeait dans la neige aux stations de bus. Lorsque finalement apparaissait le véhicule aux allures de vieux bison exténué, la file indienne se mettait docilement en branle, l'un après l'autre les usagers grimpaient dans le véhicule, généralement bondé et puant le vêtement mouillé. Bien plus tard, une passagère constatait une sensation bizarre au mollet ou à l'arrière de la cuisse : son bas nylon avait été tailladé, et généralement un mince filet de sang s'écoulait d'une estafilade peu profonde. Le maniaque au rasoir avait de nouveau sévi.
« Gâté par une végétation luxuriante, ayant peu de besoins et pouvant facilement les satisfaire, content de son sort quoi qu'il advienne, le Laotien se laisse vivre plutôt qu'il ne vit » ; Lieutenant-colonel Tournier, Résident supérieur, 1900) p.3
Le contact occidental avec le Laos est avant tout la découverte d'un ailleurs. Certains y verront même un Eden, où la nature est riche et généreuse et l'habitant simple et accueillant. La littérature coloniale fourmille d'exemples véhiculant une image sublimée des rives du Mékong ; les documents officiels de l'époque contribuèrent aussi à en donner une vision mythifiée. La production photographique ancienne au Laos est encore mal connue et il est difficile de la cerner précisément. p.3
On porte en soi ce qui est là, et ce qui a cessé d’être là. (Un goût de viande crue, Monique Proulx)
L’exilé est cet être confus qui apprend son chemin, pas à pas. Il n’est personne. Il n’est rien. Alors, il regarde toujours du haut de la montagne. Il cherche une étoile qui le guidera. Ou un arbre qui l’enracinera. Un érable ou un peuplier qui lui parlera en toute bonne foi pour lui raconter les légendes de la ville nouvelle. L’exilé habite un imaginaire et non un pays. (Un soir d’exil, Rodney Saint-Éloi)