AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet

Citation de Musa_aka_Cthulie


ANGELIQUE.— C'est une imposture si grande, et qui me touche si fort au cœur, que je ne puis
pas même avoir la force d'y répondre. Cela est bien horrible d'être accusée par un mari lorsqu'on
ne lui fait rien qui ne soit à faire. Hélas! si je suis blâmable de quelque chose, c'est d'en user trop
bien avec lui.
CLAUDINE.—Assurément.
ANGELIQUE.—Tout mon malheur est de le trop considérer; et plût au Ciel que je fusse capable
de souffrir, comme il dit, les galanteries de quelqu'un! je ne serais pas tant à plaindre. Adieu : je
me retire, et je ne puis plus endurer qu'on m'outrage de cette sorte.
MADAME DE SOTENVILLE.—Allez, vous ne méritez pas l'honnête femme qu'on vous a
donnée.
CLAUDINE.—Par ma foi! il mériterait qu'elle lui fît dire vrai; et si j'étais en sa place, je n'y
marchanderais pas. Oui, Monsieur, vous devez, pour le punir, faire l'amour à ma maîtresse.
Poussez, c'est moi qui vous le dis, ce sera fort bien employé; et je m'offre à vous y servir,
puisqu'il m'en a déjà taxée.
MONSIEUR DE SOTENVILLE.—Vous méritez, mon gendre, qu'on vous dise ces choses-là; et
votre procédé met tout le monde contre vous.
MADAME DE SOTENVILLE.—Allez, songez à mieux traiter une demoiselle bien née, et
prenez garde désormais à ne plus faire de pareilles bévues.
GEORGE DANDIN.— J'enrage de bon coeur d'avoir tort, lorsque j'ai raison.
CLITANDRE.—Monsieur, vous voyez comme j'ai été faussement accusé : vous êtes homme qui
savez les maximes du point d'honneur, et je vous demande raison de l'affront qui m'a été fait.
MONSIEUR DE SOTENVILLE.—Cela est juste, et c'est l'ordre des procédés. Allons, mon
gendre, faites satisfaction à Monsieur.
GEORGE DANDIN.— Comment satisfaction ?
MONSIEUR DE SOTENVILLE.—Oui, cela se doit dans les règles pour l'avoir à tort accusé.
GEORGE DANDIN.— C'est une chose, moi, dont je ne demeure pas d'accord, de l'avoir à tort
accusé, et je sais bien ce que j'en pense.
MONSIEUR DE SOTENVILLE.—Il n'importe. Quelque pensée qui vous puisse rester, il a nié :
c'est satisfaire les personnes, et l'on n'a nul droit de se plaindre de tout homme qui se dédit.
GEORGE DANDIN.— Si bien donc que si je le trouvais couché avec ma femme, il en serait
quitte pour se dédire ?
MONSIEUR DE SOTENVILLE.—Point de raisonnement. Faites-lui les excuses que je vous dis.
GEORGE DANDIN.— Moi, je lui ferai encore des excuses après... ?
MONSIEUR DE SOTENVILLE.—Allons, vous dis-je. Il n'y a rien à balancer, et vous n'avez
que faire d'avoir peur d'en trop faire, puisque c'est moi qui vous conduis.
GEORGE DANDIN.— Je ne saurais...
MONSIEUR DE SOTENVILLE.—Corbleu! mon gendre, ne m'échauffez pas la bile : je me
mettrais avec lui contre vous. Allons, laissez-vous gouverner par moi.
GEORGE DANDIN.—Ah! George Dandin!
MONSIEUR DE SOTENVILLE.—Votre bonnet à la main, le premier : Monsieur est
gentilhomme, et vous ne l'êtes pas.
GEORGE DANDIN.— J'enrage.
MONSIEUR DE SOTENVILLE.—Répétez après moi : «Monsieur.»
GEORGE DANDIN.— «Monsieur.»
MONSIEUR DE SOTENVILLE (Il voit que son gendre fait difficulté de lui obéir). —«Je vous
demande pardon.» Ah!
GEORGE DANDIN.— «Je vous demande pardon.»
MONSIEUR DE SOTENVILLE.—«Des mauvaises pensées que j'ai eues de vous.»
GEORGE DANDIN.— «Des mauvaises pensées que j'ai eues de vous.»
MONSIEUR DE SOTENVILLE.—«C'est que je n'avais pas l'honneur de vous connaître.»
GEORGE DANDIN.— «C'est que je n'avais pas l'honneur de vous connaître.»
MONSIEUR DE SOTENVILLE.—«Et je vous prie de croire.»
GEORGE DANDIN.— «Et je vous prie de croire.»
MONSIEUR DE SOTENVILLE.—«Que je suis votre serviteur.»
GEORGE DANDIN.—Voulez-vous que je sois serviteur d'un homme qui me veut faire cocu ?
MONSIEUR DE SOTENVILLE (Il le menace encore). —Ah!
CLITANDRE.— Il suffit, Monsieur.
MONSIEUR DE SOTENVILLE.—Non : je veux qu'il achève, et que tout aille dans les formes.
«Que je suis votre serviteur.»
GEORGE DANDIN.— «Que je suis votre serviteur.»
CLITANDRE.—Monsieur, je suis le vôtre de tout mon coeur, et je ne songe plus à ce qui s'est
passé. Pour vous, Monsieur, je vous donne le bonjour, et suis fâché du petit chagrin que vous
avez eu.
MONSIEUR DE SOTENVILLE.—Je vous baise les mains; et quand il vous plaira, je vous
donnerai le divertissement de courre un lièvre.
CLITANDRE.—C'est trop de grâce que vous me faites.
MONSIEUR DE SOTENVILLE.—Voilà, mon gendre, comme il faut pousser les choses. Adieu.
Sachez que vous êtes entré dans une famille qui vous donnera de l'appui, et ne souffrira point que l'on vous fasse aucun affront.

Acte premier, scène VI
Commenter  J’apprécie          162





Ont apprécié cette citation (11)voir plus




{* *}