"Je m'adresse ici à celui ou celle qui est mal à l'aise avec les tendances dominantes dans nos sociétés européennes, celui ou celle qui pensent que nous sommes en train de perdre quelque chose d'essentiel, qui fait partie de notre culture et de nos raisons de vivre ensemble. Et plus encore que nous en privons les générations futures." (p.7)
Comme toute vie collective, les relations économiques supposent elles aussi une morale. En premier lieu, elles ont besoin de confiance et d’honnêteté. Le vol et le mensonge généralisés, a fortiori la violence, ne sont pas compatibles avec une vie économique satisfaisante. Mais ces vertus ne peuvent être produites par l’économie considérée seule : elles doivent être produites autrement, par la société. L’économie profite donc de cette production, de ce qu’elle appelle des externalités, considérables en l’espèce, qu’elle ne sait pas produire, et qui sont dues à la morale et aux valeurs collectives. Ceci dit, pour respecter une morale, encore faut-il que les personnes concernées y voient un sens. Cela suppose que dans les motivations des personnes, la joie de faire le bien qu’on a à faire joue un rôle au moins aussi important que le profit individuel. Et comme il n’y a pas d’économie sans morale, il n’y a donc pas d’économie si les personnes ne cherchent pas à faire le bien, tout autant qu’à gagner le plus possible. Et cela à son tour suppose une certaine éducation, fondée sur une saine conception de l’homme. Dit autrement, l’économie est faite d’hommes. Ce qui les fait vivre, ce qui donne du sens à leur vie et à leur action est essentiel pour l’économie. On ne peut donc espérer avoir durablement une vie économique saine sans valeurs collectives et sans une saine conception de l’homme, une saine anthropologie.
L’absolutisme royal est lui aussi un phénomène récent; il a résulté de la montée en puissance de certaines dynasties qui ont affranchi d’une somme croissante de règles le pouvoir d’État naissant, créé et développé par elles. En France notamment, cas extrême, la monarchie est devenue toute puissante à partir de la Renaissance, et cela lui a permis d’éliminer pratiquement tous les organes électifs (et d’abord les États Généraux) développés au Moyen Âge.
Certes on vous explique que ce trou de l’aiguille était un passage étroit dans les murs de Jérusalem, mais il ne faut pas se payer de mots: le passage est violent et vise à nous secouer. En témoigne la réaction des disciples, qui se sont demandé carrément qui alors pourrait être sauvé. Ce qui montre qu’ils étaient lucides à l’occasion: matériellement ils étaient pauvres, mais ils avaient bien compris que le mot « riche» ici employé par Jésus ne s’appliquait pas qu’aux seuls gens vraiment riches, et qu’il pouvait les viser, eux aussi, s’ils s’attachaient trop aux biens matériels. Jésus leur a répondu alors que le salut des « riches » ainsi compris était impossible aux hommes, mais qu’à Dieu rien n’était impossible. Cet attachement à l’argent peut donc être une vraie menace pour notre salut, mais le salut reste possible.
D’un côté, de confiance en Dieu, débouchant non sur la passivité mais sur un comportement actif et entreprenant. Et de l’autre, d’acceptation lucide de cette absence de certitude : donc de foi et d’humilité. Elle seule permet de comprendre les conséquences mauvaises de nos actions, les effets dangereux naissant du succès, de l’enrichissement et de la puissance qui montent à la tête ; en d’autres termes, les effets nocifs de l’utilisation instrumentalisée des dons de Dieu, que l’homme s’approprie pour suivre une autre voie, croyant les maîtriser mais se faisant dominer par eux, comme notre époque le montre.
De façon latente ou explicite, la question du mal se relie donc directement au temps, et par là à l’histoire. Plus précisément, le sens même du temps est dans la possibilité de notre combat avec le mal, qui se déroule sous le regard aimant et juste de Dieu. Lui-même éternel et donc hors du temps, Il assume personnellement le temps et ses aléas par l’Incarnation, et donc notre histoire.
En d’autres termes les qualités de ce qu’est pour nous le mouvement (et notamment ce qu’il peut comporter de vie) sont nécessairement également présentes (et même plus parfaitement) dans un Absolu qui pourtant, dans un autre sens, est « immobile ». Il en résulte que l’éternité agissant dans le temps y est par excellence vie, et donc développement et histoire.
"Le commun au sens fort, plein, presque sacré, du terme, c'est quelque chose qui, approprié ou embrassé par l'individu, le transforme en l'agrandissant." (Pierre Manent)
On verra que ce n'est que dans l'éternité que peut se chercher le sens du temps, que peut se repérer la finalité d'une existence soumise au temps.