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Citation de bbjpds


(pp.210-213)
Il y eut un silence.
- Ils aiment leur douleur, ils ne veulent pas la lâcher. Tiens, regarde, je vais te montrer.
Brusquement, ils se retrouvèrent tous les deux sur le boulevard d’une grande ville.
Une foule immense, grise, interminable.
Tout d’un coup, Gringo y était.
- Non, Mâ ! Non !
Personne ne les voyait.
- Ce n’est pas possible, Mâ, pas possible ! Oh ! Je ne vais pas encore une fois descendre ce boulevard, prendre le métro, recommencer les gestes, tous les gestes…
Mâ ne disait rien.
Soudain Rani est apparue en jean, sa queue de cheval au vent, toute rose comme après une course.
Je me suis bien amusée ! J’ai accroché une ficelle dans les cornes de Chacko et on a glissé-glissé dans la neige …
Elle s’et arrêtée net.
- Mais qu’est-ce que c’est que tout ça ? Qu’est-ce qu’ils ont tous ? … Mais c’est fou !
Elle a attrapé Gringo par le bras et l’a secoué :
- C’est fou ! Mais dis-moi que c’est fou …
Gringo ne disait rien.
- Voyons, Gringo …
Elle regardait à droite, regardait à gauche.
Maintenant, des larmes se sont mises à couler sur ses joues. Elle secouait la tête sans dire un mot, c’était tout voilé, c’était affreux. Et des hommes, encore des hommes, avec leur serviette sous le bras, des femmes, encore des femmes, sur leurs souliers pointus.
Gringo ne disait rien, il regardait.
Il regardait à se faire éclater les yeux avec une douleur si profonde dans le coeur, comme s’il avalait des morts et des morts et des douleurs sans fin et des milliers d’ombres, là, les bras ballants, au bord d’un trottoir pour toujours, à travers des vies et des vies d’ombres, pour rien, avec un métro au bout, et on recommence : La Motte-Picquet -Grenelle, tout le monde descend, mais c’est de la blague ! on remonte toujours. Et ça continue.
- C’est effrayant, murmura Gringo.
Rani ne disait plus rien, elle était blanche comme une morte, les deux mains serrées sur rien.
Mâ ne disait rien. Elle regardait. Puis Elle s’est approchée de Rani, doucement, et lui a dit avec une tendresse infinie :
- Tu veux retourner voir Chacko ?
Rani a secoué la tête. Elle était perdue dans une sorte de cataclysme et secouait la tête, secouait la tête comme une somnambule.
- Et toi, petit, tu veux ?
Gringo a secoué la tête, secoué la tête.
Puis il a pris la main de Rani, regardé cette foule, regardé Mâ :
- Je reste pour crier avec eux !
Alors il s’est retourné vers cette foule grise, et il a poussé un cri si déchirant que toute cette foule s’est arrêtée subitement comme si son propre coeur criait.
Ils se sont retournés. Ils ont regardé à droite, à gauche. Ils ont regardé encore. Ils avaient deux trous noirs à la place des yeux. Ils ont regardé leur abîme tout d’un coup.
Il y eut un silence effrayant dans cette foule arrêtée.
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