LES TRACHINIENNES
Ce n'est plus, je crois, une jeune fille, c'est une vraie femme que, comme un marin embarquant son fret, je me trouve avoir accueillie chez moi au milieu d'autres marchandises et qui doit, celle-là, m'empoisonner le coeur. Nous voici donc deux désormais sous la même couverture à attendre qu'un homme nous prenne dans ses bras... Et c'est là le salaire que celui qui était pour moi loyal, le noble Héraclès, vient de m'envoyer, pour la peine d'avoir si longtemps gardé sa maison ! Sans doute, je ne puis, moi, lui en vouloir, s'il est si souvent repris de ce mal. Mais d'autre part, vivre avec cette fille, quelle femme en aurait le coeur? Quelle femme accepterait de partager le même époux? Je vois la jeunesse qui d'un côté s'épanouit, quand de l'autre elle se fane, et l'oeil se plait à cueillir la fleur de l'une, tandis qu'il s'écarte de l'autre. J'ai donc bien des raisons de craindre que, si Héraclès reste de nom mon époux, il ne soit en fait l'amant de la plus jeune...