La jeune femme les a tour à tour regardés, d'abord le chevalier, puis Gauvain, qui était absolument persuadé de l'avoir et ne se faisait aucun souci. Il s'étonnait simplement de la voir un peu réfléchir. Mais la jeune femme, qui savait bien de quelle prouesse Gauvain était capable, voulait savoir si l'autre chevalier était, lui, aussi preux et aussi vaillant. Apprenez en effet, tous tant que vous êtes, que cela vous fasse sourire ou frémir d'indignation, qu'il n'y a pas de femme au monde qui, même si elle était l'épouse et l'amie du meilleur chevalier que l'on puisse trouver d'ici en Inde, lui porterait assez d'amour pour lui montrer un brin d'estime s'il n'était également preux à la maison. Vous voyez bien de quelle prouesse je veux parler...
Écoutez donc l'acte ignoble que fit cette femme: elle se remit entre les mains de ce chevalier dont elle ignorait tout. Lorsque monseigneur Gauvain vit ce qu'elle avait fait, il fut, sachez-le, très affecté de voir qu'elle l'avait quitté de son plein gré. Mais il était si preux, si sage, si courtois, si plein de mesure qu'il ne prononça pas le moindre mot, bien qu'il fut très affligé.