Yves de Gaulle

La mort de Jeanne
En ce jour, que le Seigneur veuille me pardonner, fort je doute de cette parole. Peut-il y avoir un ordre légitime et partagé entre notre Jésus-Christ Sauveur et le prélat Cauchon, accusateur mandé par ses maîtres anglais pour juger et condamner d'avance notre Jeanne la Pucelle? Qu'a donc à faire avec le ciel, en ces instants de mort, sur l'estrade dressée à dos de la basilique, cette assemblée de hauts seigneurs d'Église, de la ville, et dignitaires d'Angleterre dont la trogne couleur charogne contredit si fort le riche parement des étoffes? Se peut-il exister correspondance entre crasse, odeur et grondements sales des soldats godons entourant le bûcher, hurlant pour qu'on se dépêchât pour finir en flammes une fille hérétique qui les avait battus en guerre, et le pardon du Très Haut en son infinie miséricorde?

Avertissement de l'auteur
Jehan de Gaule a réellement existé, mais sa vie, qui fait l'objet de ce roman, est totalement inventée. Si nous tenons pour vraisemblable, dans notre famille, qu'il fût l'ancêtre lointain du général de Gaulle, les archives dont nous disposons sur lui ont presque totalement disparu. Ce qu'il en reste tient à un événement bien daté. il fût capitaine de la ville et du château de Vire en 1417 au moment de la seconde invasion de la Normandie par Henry V d'Angleterre. Après avoir repoussé jusqu'à Carentan les avant-gardes anglaises et subi de long mois de siège, il dut rendre la cité aux envahisseurs. Sommé de jurer fidélité au roi vainqueur, il refusa au prix de l'exil et dépossession de ses biens. À partir de cet évènement, j'ai essayé de lui construire une existence, de sa naissance à une date ignorée, jusqu'à sa disparition imaginée dans une ville étrangère au royaume de France, cela au milieu d'une Europe tumultueuse qui n'est pas si loin de nous.

Charles de Gaulle pratiquait la philosophie parce qu'il se servait de sa raison pour fabriquer de le pensée, essayer de structurer le monde, de le réparer en agissant, et se rapprocher d'un idéal commun aux autres et à sa propre vie.

ll est rare de constater dans une démocratie un tel décalage entre le soutien populaire qui vous était accordé par le suffrage et l'étendue, comme la constance, de la critique faite au mégalo, au vieux, au dictateur. J'ai encore devant moi, grand-père, en milieu d'après-midi à Colombey, votre sourire goguenard mais triste, et, sous vos lourdes lunettes, ce regard perçant, encoléré, malgré tout optimiste, à la lecture de la première édition du Monde de l'après-midi avec ce commentaire : Mais pourquoi faut-il donc qu'ils soient si bêtes ?