Adélaïde Bon

Elle a vingt ans et souvent, lorsqu'elle doit traverser une rue, elle est hypnotisée par le ballet des voitures, par ce corps qu'elle a et qui valse de carrosserie en carrosserie, puis se démembre sous les pneus noirs. Ces images d'elle en pièces l'accompagnent depuis trop longtemps pour lui faire peur, non, ce qui l'épouvante, c'est d'échapper à sa propre vigilance et qu'une méduse l'entraîne pour de vrai, pour toujours, sous les roues, sur les rails, par les fenêtres. Alors elle s'insulte, elle se gifle, elle se mord les poignets. Elle attend près d'un mur que quelqu'un arrive pour caler ses pas sur les siens et parvenir saine et sauve de l'autre côté des rues. Dans le métro, elle se colle aux murs du quai. Elle ne s'approche plus des fenêtres dans les étages élevés.