Alain Ruscio est un historien spécialiste de l’Indochine coloniale à laquelle il a consacré sa thèse d’Etat. C’est aussi un spécialiste du « regard colonial » : on lui doit une très utile anthologie des chansons coloniales exotiques françaises (Maisonneuve & Larose, 2001), un genre réputé frivole dont l’étude permet pourtant de comprendre comment se sont forgées les mentalités coloniales.
Alain Ruscio est également un militant engagé, proche du Parti communiste qui, dans ses articles et ses tribunes, dénonce avec véhémence la réhabilitation du colonialisme. Son combat contre l’article 4 de la loi du 23 février 2005 (qui faisait injonction aux programmes scolaires de reconnaître « le rôle positif de la présence française outre-mer, notamment en Afrique du Nord »), il le mène au nom de l’éthique historienne : l’Etat n’a pas a dicté une vérité historique. Il le mène aussi en tant que citoyen indigné par le glissement à droite de la société française et par la banalisation inquiétante dans le discours politique contemporain d’un racisme ordinaire.
Publié au Temps des cerises, une maison d’édition militante, « Y’a bon les colonies » se présente comme une galerie d’hommes politiques, d’intellectuels, de journalistes. Leurs discours, leurs articles, leurs petites phrases, agressives ou paternalistes, constituent, pour Alain Ruscio, autant de témoignages à charge de la montée à droite d’un « vichysso-giscardo-sarkozysme mou » (p. 14). Le mot-valise prête à sourire ; mais son contenu reste improbable. Qu’y a-t-il de commun entre le giscardisme des années 70 et le sarkozysme des années 2000 ? En quoi sont-ils assimilables à un quelconque « vichysme » ?
La soixantaine de vignettes biographiques paresseusement classées par ordre alphabétique n’évite pas le risque de la monotonie et de la répétition. Leur juxtaposition tombe aussi dans le travers de l’amalgame. La réhabilitation du colonialisme est une chose, la promotion de l’identité nationale en est une autre, l’islamophobie en est une troisième, le rétablissement de la peine de mort en est une quatrième. Certes on entend ses idées dans les mêmes bouches, dans les mêmes familles politiques ; mais, comme par exemple chez Pierre-André Taguieff, elles méritent une analyse plus fine que celle que nous livre Alain Ruscio.
Plus stimulante aurait été l’analyse organisée de ce discours réactionnaire autour de quelques thématiques structurantes. En premier lieu la réhabilitation du colonialisme dont la valorisation des « aspects positifs » (les routes, les dispensaires, les instituteurs …) espère gommer le projet foncièrement dominateur. Liée à elle, le postulat implicite de la différence voire de la hiérarchie des races. Conséquence logique de la revalorisation des « aspects positifs » de la colonisation : le refus de la repentance dont Nicolas Sarkozy et sa plume, Henri Guaino, ont fait un des thèmes de la campagne présidentielle de 2007. Pour finir par un double questionnement très contemporain : comment à l’extérieur la France pense-t-elle aujourd’hui ses relations avec ses anciennes colonies ? comment à l’intérieur a-t-elle intégré dans son corps social ce « legs colonial » ?
Il y a là, on le voit, place pour une radiographie passionnante de la droite française post-coloniale. Reconnaissons à Alain Ruscio le mérite de nous avoir fourni une matière première. A d’autres de la mettre en forme …
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Plus d’un demi-siècle après, les pieds noirs et autres
français tenants de l’«Algérie française», campent
sur leurs positions, et pensent détenir la vérité sur leur
«histoire» ne supportant aucun regard critique sur ce
qui fut leur «Algérie heureuse». Pis encore, parfois accompagnés
de leurs enfants et petits-enfants, ils sont à
l’offensive, tout particulièrement en France... et dans certains
pays où ils s’y sont réfugiés (la plupart en Espagne
du temps de la dictature fasciste de Franco, en Israël
aussi...). Anciens mercenaires et fomenteurs de
coups tordus, parfois criminels de haut vol, adeptes des
méthodes expéditives (au 19 avril 1962 seulement,
l’auteur indique qu’il y a eu 15 355 attentats terroristes
– «ratonnades», plastiquages, bombes, assassinats par
balle ou au couteau de para... - faisant 1 622 morts dont
239 Européens et 1383 «musulmans». Un journaliste
américain avait avancé au milieu de l’été 1962, 2 200
morts... dont 71 en France), parce qu’ «amnistiés» (seulement
quatre condamnés à mort et exécutés, le dernier
Bastien-Thiry en mars 63) et soutenus par des
«anciens» devenus «hommes politiques», parfois au
pouvoir (beaucoup sont entrés dans l’Ump à sa création),
ils donnent des leçons à l’extrême droite et aux
gaullistes de droite, tout le reste étant «descendu en flammes
». Quant aux Algériens et à l’Algérie, «arabes» et
«musulmans», ils restent les «donneurs d’ordres», les
«maîtres» de ceux qu’ils toujours considéré comme des
«indigènes», des «sous-hommes» servant de subordonnés
et de boucs émissaires, devant obéir au moindre
événement. Les assassins d’hier sont exaltés et les criminels
de l’Oas connus sont honorés à travers des plaques
de rues, des stèles et des musées. L’auteur note
que la France comptait, fin 2013, quelque soixantedix
«lieux de mémoire» de cette nature. Sur les quatre-
vingt-dix ouvrages recensés à la mémoire d’ «ex»,
l’auteur n’en a rencontré qu’un (1) seul «esquissant
un remords»... Un lobby tenace, «fabriquant de toutes
pièces des concepts punching-balls»... Heureusement
faciles à démolir d’autant «qu’ils ne sont défendus
par aucun historien sérieux». Bref, comme le dit
l’auteur, il y a «confiscation de la «nostalgérie» par
l’Oas et ses héritiers»... un courant qui «bloque l’histoire
», empêchant, en France, les évolutions «nécessaires
» quant à l’évaluation du passé colonial.
Je pense que Alain Ruscio L’auteur a estimé «nécessaire» de rappeler,
à travers des faits, ce que furent et ce que
firent les tenants de l’Algérie française et ce
que fut et ce que fit l’Oas, matrice d’une certaine
«écriture» de l’Histoire. Très difficile, très pénible à
lire par ceux (Algériens et Européens libéraux) qui
ont vécu, de près ou même de loin, les discriminations
de la population coloniale (un «apartheid» au
mur invisible) et les tueries commises par les «ultras
»... qui ont commencé leurs méfaits, de manière
organisée, déjà le 18 novembre 1954 (un groupe d’ultras
ayant assassiné un cadre du Mtld, cordonnier
de son état à Bab El Oued)
Débloquer l'histoire ce sera contribuer a' liberer la socièté française ( p252)
Un roman tres intéressant a' parcourir
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Livre indispensable pour tous les romantiques amoureux de l'Afrique et des îles, un concentré de petits chefs d'oeuvres d'une autre époque. Un livre de chevet inoubliable à lire au fil de l'année comme on boit une liqueur oubliée
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