AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet

Citation de Henri-l-oiseleur


[Pouvoir despotique et esclavage]
Un tel pouvoir n'est tel que s'il a abattu tout autre pouvoir émanant de la société sur laquelle il règne, s'il fait échec à leur émergence, s'il se les subordonne et les contrôle. Il combat toute forme de pouvoir autonome, politique, économique et religieux. Mais il doit tout aussi nécessairement combattre cet autre pouvoir tout à fait évident, mais pour lequel nous n'avons pas de qualificatif : le pouvoir de domination que certains hommes détiennent sur d'autres hommes, tel celui des maîtres sur les esclaves. Ce pouvoir possède un certain nombre de caractéristiques de nature à porter ombrage à un monarque.

Premièrement, il est analogue dans son principe à celui que détient le despote vis-à-vis de ses sujets : c'est un pouvoir direct sur les hommes, un pouvoir de commandement qui implique la possibilité de les contraindre contre leur gré et le droit d'exiger d'eux prestations et contributions.

Ensuite, il est, parmi tous ceux qu'un homme peut détenir sur un autre, le plus extrême. La marque la plus évidente de cet excès, c'est le droit de vie et de mort absolu et arbitraire du maître sur l'esclave, un droit qui ne se retrouve nullement dans d'autres relations de dépendance (...) Aucun souverain n'a jamais traité ses sujets comme un maître ses esclaves. A moins d'être limité donc, le pouvoir du maître sur ses dépendants est plus grand que celui d'un roi sur ses sujets.

Enfin, ce pouvoir est un pouvoir autonome. L'esclave, par son statut, échappe à l'emprise du pouvoir central. Il ne paye pas d'impôt. Il n'est pas sujet du roi, pas plus que dans les cités antiques il n'est citoyen. Il n'est pas astreint au service militaire. L'esclave n'a qu'un seul maître, ne dépend que de lui et n'obéit qu'à lui. La possession d'esclaves représente une puissance privée et une menace potentielle pour toute puissance publique.

C'est pour remédier à ces inconvénients que le pouvoir despotique intervient dans ce qui n'est autrement que le rapport purement privé entre le maître et l'esclave. Il limite le pouvoir de l'un et s'érige en protecteur de l'autre. Il fait d'une pierre deux coups. La menace de mort supprimée, le pouvoir du maître est rogné, sa force de contrainte émoussée. Le rapport de maître à esclave perd son autonomie, le maître devant désormais rendre compte de sa gestion et l'esclave ayant désormais comme un second maître, le roi, répressif ou protecteur selon les cas, à l'image du premier... Dans l'idéal, le pouvoir despotique transforme si profondément le statut des esclaves qu'ils ne semblent plus être que des sujets, de seconde catégorie il est vrai, mais des sujets néanmoins. Ce pouvoir y gagne que plus personne n'échappe à son emprise. Dans l'idéal, le despotisme supprime l'esclavage.

p. 66
Commenter  J’apprécie          70





Ont apprécié cette citation (6)voir plus




{* *}